jeudi 10 février 2011

QUE PEUT-ON DEMANDER EN PRIERE ?



QUE PEUT-ON DEMANDER EN PRIERE ?
Par Guy Josia Ndombo
Dans cet article nous souhaitons trouver réponse à deux des nombreuses questions qui se soulèvent fréquemment au sujet des requêtes à faire à Dieu. La première est de savoir si nous pouvons demander le mal pour le prochain, qu’il soit notre oppresseur ou qu’il soit tout simplement un méchant. La deuxième question est de savoir si nous pouvons faire une requête visant à satisfaire une mauvaise ambition. Les hommes et femmes de prière se retrouvent souvent en face de ces questions qui touchent les aspects parfois existentiels de la vie humaine.
Peut-on prier pour la malédiction du méchant ?
Une situation assez bizarre s’était produite dans une église de la place. Une lettre anonyme comportant des accusations assez graves et des propos injurieux avait été envoyée à un pasteur. Furieux, celui-ci présenta la lettre à la congrégation réunie et somma l’auteur de la lettre de se présenter. Après un moment de silence et sans réaction aucune, le pasteur demanda à la congrégation de s’agenouiller pour qu’il dise une prière de malédiction à l’encontre de l’auteur anonyme de la lettre. Cette initiative indigna et choqua plus d’une personne mais n’empêcha pas la majeure partie de l’église à s’unir au pasteur pour la prière de… malédiction ! Si vous y étiez qu’auriez-vous fait ?
Ce type de situation pose le problème de ce que l’on souhaite pour nos ennemis[1] et montre comment certaines personnes, souvent, le transposent dans la prière. La requête souhaitant le plus ou le moins de mal possible au méchant et à notre oppresseur est-elle recommandable ? S’il faut savoir si une telle prière est raisonnable, on peut très bien comprendre le processus logique qui aboutit à une telle requête : outre le désir de vengeance, même le désir de justice peut provoquer de telles requêtes. Mais en matière d’éthique, il n’est pas seulement question de ce qui est raisonnable mais aussi de ce qui est requis par Dieu. Mettons donc en lumière quelques principes devant régir la conduite à tenir dans des situations comme celles que nous avons relevées plus haut.
L’enseignement linéaire[2] de la Bible milite pour que de telles prières ne soient jamais formulées. Dans son enseignement le Christ a clairement dit* : « bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous maltraitent » (Lc 6:28)[3]. Le parallélisme dans cette phrase est très important à retenir et doit être mis en exergue :
bénissez
ceux qui vous
maudissent
priez pour
maltraitent
On remarque dans ce parallélisme que ceux qui maudissent sont synonymes de ceux qui  maltraitent. En d’autres termes il s’agit des oppresseurs usant aussi bien de leurs paroles que de leurs actions pour persécuter. L’appel à prier pour de telles personnes est par ailleurs mis en équivalence avec l’appel à bénir. Comme pour dire que non seulement il faudrait prier pour de telles personnes, mais il faudrait les bénir dans une telle prière. Ne pas agir de la sorte dans le contexte du sermon sur la montagne participe d’agir selon la loi du talion : « œil pour œil, dent pour dent.»
Dans le cadre de la prière Jésus a aussi affirmé dans le même sens : «lorsque vous êtes debout faisant votre prière, si vous avez quelque chose contre quelqu'un, pardonnez.» (Mc.11:25).
Dans la pratique, une requête, du genre que nous devons éviter de faire fut faite par Jean et son frère qui étaient  remontés contre les samaritains inhospitaliers : « Seigneur, veux-tu que nous commandions que le feu descende du ciel et les consume ? » (Lc.9 :54). La réponse de Jésus en dit long sur la nature de ce type de requêtes et sur l’état spirituel de ceux qui les font : « Vous ne savez que quel esprit vous êtes animés » (v.55).
Paul dans ses écrits prolonge l’écho de l’enseignement[4] du Christ sur la question de l’attitude à avoir et de la conduite à tenir face aux méchants et aux oppresseurs : « Bénissez ceux qui vous persécutent, bénissez et ne maudissez pas. » (Rom.12 :14). Rendant compte de leur expérience d’apôtres il écrit :
Quand on nous insulte, nous bénissons; quand on nous persécute, nous supportons; quand on dit du mal de nous, nous répondons avec bienveillance. On nous considère maintenant encore comme les balayures du monde, comme le déchet de l'humanité (1Cor.4:12-13, Bible en Français Courant).
L’enseignement de Paul nous offre par ailleurs une perspective importante. Dans la suite logique de l’appel à ne jamais maudire mais à bénir uniquement, il recommande : «Ne rendez à personne le mal pour le mal » (Rom.12:17). Mais le plus intéressant dans ce développement de Paul est qu’il répond à la question de justice qui se pose quand l’oppresseur maltraite les fidèles de Dieu. Il se réfère à l’enseignement de l’AT et fait savoir que Dieu est le vengeur de son peuple:
Ne vous vengez point vous-mêmes, bien-aimés, mais laissez agir la colère; car il est écrit: À moi la vengeance, c’est moi qui rétribuerai, dit le Seigneur. Mais si ton ennemi a faim, donne-lui à manger; s'il a soif, donne-lui à boire; car en agissant ainsi, ce sont des charbons ardents que tu amasseras sur sa tête. Ne sois pas vaincu par le mal, mais vainqueur du mal par le bien (Rom.12:19-21)[5].
En nous abstenant de faire une requête visant à maudire notre oppresseur, nous agissons selon la règle d’amour du Christ mais nous sommes aussi assurés que la justice de Dieu qui implique toujours la vengeance de son peuple aura bien lieu. Puisse notre vie de prière être à l’image de celle du Christ qui même à l’article de la mort priait : « Pardonne-leur » (Lc.23:34).

Peut-on prier pour la satisfaction 
 d’une mauvaise ambition ?
Une femme dans la cinquantaine nous fit un jour une requête assez complexe. Elle était divorcée et possédait beaucoup de biens. Elle était préoccupée par le fait que sa fille n’avait pas encore enfanté et souhaitait voir un petit-fils assez rapidement pour lui léguer ses richesses. Elle nous demanda donc avec insistance de prier pour que sa fille tombe enceinte et ait un fils dans un délai assez bref. Nous lui demandâmes si sa fille était mariée, ce à quoi elle répondit par la négative et affirma qu’elle souhaitait que sa fille ne se mariât jamais, au motif qu’un éventuel conjoint ne serait intéressé que par la richesse.
La requête de cette dame posait un certain nombre de problèmes parmi lesquels l’attachement à la richesse. La grande question que nous nous posions était de savoir comment cette femme souhaitait que sa fille soit enceinte sans qu’elle ne soit mariée. Elle encourageait vraisemblablement sa fille à vivre dans l’immoralité. La grande question après toutes les autres était de savoir ce que nous allions faire : allions-nous prier pour cette requête ? Ce cas illustre de nombreux autres où les individus ont besoin du secours de Dieu pour satisfaire leurs désirs égoïstes. Quelques éclairages de la Bible sont nécessaires pour comprendre la conduite à tenir en pareille circonstance.
Le texte de Jacques est instructif à ce propos : « Vous demandez et vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal, afin de tout dépenser pour vos passions » (Jc.4:3). Il faudrait d’abord souligner que dans ce contexte où l’apôtre Jacques dénonce les conflits, l’orgueil, les convoitises, adultères,  etc, il encourage ses lecteurs à se départir de l’entrainement des passions mondaines. Par l’expression « vous demandez mal, afin de tout dépenser pour vos passions » nous apprenons donc qu’il existe une incompatibilité entre la bonne prière et les mauvaises passions. Avoir des ambitions n’est pas mauvais en soi lorsqu’il s’agit du noble désir de progresser. Ce désir doit cependant être contrôlé par les principes de modestie (Rom.12:16) de bien et de justice (Jc.4:1-8).
La Bible regorge de nombreux exemples des personnes qui ont été réprimées pour leur ambition immodérée ou déplacée. Le cas de Jean et Jacques et leur mère dans les évangiles retient notre attention en ce qu’il illustre le désir de gloire et de puissance qui se cache derrière toute mauvaise ambition. Salomé vint se prosterner devant Jésus et lui dit : « ordonne que mes deux fils que voici soient assis, dans ton royaume, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche » (Mt.20:21). La réponse de Jésus fut immédiate et sans ambages : « Vous ne savez pas ce que vous demandez » (v.22). Cette réponse signifiait la volonté de Jésus de réprimer leur désir de gloire et de leur montrer qu’ils ne comprenaient même pas la nature de ce qu’ils étaient en train de demander.
S’il est clair que nos prières doivent manifester notre inclination à nous laisser « attirer par ce qui est humble », elles doivent aussi montrer notre attachement à obéir premièrement à la volonté de Dieu telle que manifestée dans ses lois. C’est dans ce sens que le sage écrit fort à propos : « Si quelqu'un détourne l'oreille pour ne pas écouter la loi, sa prière même est une abomination » (Prov.28:9). Il est tout simplement illogique  de prier pour des choses contraires à la volonté de Dieu, ce qui s’apparente à essayer de l’impliquer dans la réalisation de l’injustice et de l’immoralité.




[1] La notion d’ «ennemi » peut être assez générale. Parfois il s’agit juste de quelqu’un avec qui on n’a pas d’atomes crochus ; un individu qui aurait placé un mauvais regard ou une mauvaise parole. Cela peut aussi être quelqu’un qui nous a frustré d’un droit, etc.  Mettez-vous aussi dans la peau de quelqu’un qui a vu une personne bien-aimée massacrée par un tueur en série ; imaginez-vous être une femme dont les malfrats qui font irruption dans le domicile et tuent le père de famille après avoir violé à tout de rôle vos filles et vous-mêmes ; pour sûr ces gens ne sont pas vos «amis.»
[2] Certains déduisent facilement de certains textes de l’AT (cf. Ps.17:13 ; 143:12) que l’on peut demander la malédiction du méchant et requérir la destruction de l’oppresseur. Il faudrait souligner ici que la plupart de ces textes doivent être étudiés dans leur contexte pour les comprendre. Une règle d’interprétation des Ecritures exige par ailleurs une prudence quant on veut formuler à partir des Psaumes.
* Sauf indication contraire, les textes bibliques sont tirés de la Bible Nouvelle Version Segond Révisée, Bible à la colombe. n.p. Société biblique française, 1978.
[3] Une version plus longue de cette recommandation de Jésus se trouve en Matthieu 5:44 : « Aimez vos ennemis, [bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent], et priez pour ceux [qui vous maltraitent et] qui vous persécutent » ; les expressions entre crochets étant probablement une harmonisation provenant du texte de Luc. La version courte du texte de Matthieu, se trouvant chez les témoins Sinaiticus et Vaticanus, est certainement plus fiable dans la mesure où il est plus logique de penser que le texte ait été allongé pour lui donner de l’emphase que de penser qu’il ait été raccourci.
[4] Pierre a aussi un tel enseignement (1Pierre 3:9); de même que l’on peut mentionner l’idée contenue dans Jacques 3:10-12 selon laquelle la malédiction ne devrait tout simplement pas sortir de la bouche du chrétien.
[5] Les textes en italiques sont respectivement les citations de Deut. 32:35 et Prov.25:21-22.