jeudi 30 septembre 2010

JEUNER EST UNE PRATIQUE BIBLIQUE


Une grande confusion règne sur le jeûne et beaucoup de tromperies se disent autour. Deux tendances générales existent au sujet du jeûne, d’un côté se trouvent ceux qui ne le pratiquent pas du tout et ne lui accordent aucune importance, de l’autre ceux qui le dénaturent et la font ressembler à une simple grève de la fin. Un enseignement équilibré est pourtant nécessaire sur la question et c’est ce que nous allons essayer de souligner en quelques lignes[1].

Qu’est-ce que le jeûne ?
Dans le contexte chrétien, jeûner signifie s’abstenir de s’alimenter pendant un temps déterminé. Mais le jeûne est plus qu’une simple abstinence ; il est d’abord une attitude d’humilité par laquelle on s’ouvre à Dieu, exprimant notre dépendance totale de lui. Il est donc dans la même logique que la prière qui l’accompagne toujours.
Dans la Bible on peut en ressortir trois types précis: le jeûne sec, qui est l’abstinence d’eau et de nourriture pendant un temps donné (Esther 4:16).  Le deuxième type est le jeûne liquide où le pratiquant s’abstient uniquement de nourriture mais consomme de l’eau. Jésus doit avoir pratiqué ce type (Matth. 4:2). Le troisième type est observable chez Daniel qui s’abstint pendant trois semaines de consommer de la viande et du vin (Dan. 10:3). La pratique ici consiste donc à ne consommer que des fruits et légumes pendant une période donnée. Certains commentateurs ont identifié un quatrième type qui consisterait à se couper des autres nécessités et désirs ordinaires (Dan.6:18 ; 1Cor 7:5).

La nécessité de jeûner
La Bible présente le jeûne comme une expression de la foi. Le fait qu’elle en régule la pratique sans jamais l’interdire signifie qu’elle est un rituel nécessaire pour le croyant. Tout croyant doit se départir de la logique matérialiste qui pousse à croire que l’on vit à cause de nos propres efforts ou de ce que nous possédons. Le jeûne aide dans ce sens à comprendre que l’on ne vit pas de pain seulement (Deut. 8:3) mais parce que Dieu soutient l’être humain (Héb.1:3).
Le jeûne est une réalité pratique dans l’Ancien Testament et les croyants y jeûnent pour plusieurs raisons et occasions comme la confession des péchés (1Sam 7:6), la détresse (Néh 1:4 ; Est.4:3), les voyages (Esd. 8:21-23), la guerre (Jg. 20:26), la repentance (Jon. 3:5), la résolution des problèmes difficiles (Est.4:16), etc. David jeûnait pour les malades (Ps.35:13) et pour demander la délivrance (Ps.109:24).
On trouve aussi la pratique du jeûne dans l’époque intertestamentaire (Tobie 12 :8) et elle est bien présente dans le Nouveau Testament. On voit la prophétesse Anne servir Dieu par des prières et des jeûnes permanents (Luc 2:37). Le ministère des premiers chrétiens était soutenu par des jeûnes ; aussi les trouve-t-on en jeûne pour la mise à part de Paul (Act 13:2-3) et pour le choix des anciens (Act 14:23), tout comme Paul mentionne sa pratique des jeûnes répétés (2 Cor 6:5; 11:27). Jésus lui-même a eu à jeûner (Matth 4:2) et a régulièrement enseigné sur le jeûne. Il a enseigné qu’il y a des temps où le jeûne est nécessaire (Marc 2:20). A l’observation, le jeûne est une pratique biblique et les chrétiens d’aujourd’hui, à la suite de ceux de la Bible,  doivent s’y adonner s’ils souhaitent progresser dans leur spiritualité.

Les dangers du formalisme
Si le jeûne est une pratique biblique, indispensable pour la croissance du chrétien, nous devons toutefois placer un certain bémol et tempérer, voire limiter les exagérations qui gravitent autour de ce noble exercice de la foi et tendent à lui enlever sa signification essentielle.
Dans l’époque biblique déjà, on observe des déviations concernant le jeûne, aussi bien sur la forme que sur le fond. On observe les leaders d’Israël, sur l’instigation de Jézabel, associer le crime avec le jeûne (1Rois 21:9-14) ; type de pratique qui doit avoir persisté et que Dieu dénonce quelques siècles plus tard à travers Esaïe (58:3-4). Ici Dieu condamne la méchanceté que l’on essaye de masquer sous le voile de la pratique religieuse. La correction est encore utile de nos jours :
Voici le jeûne auquel je prends plaisir: Détache les chaînes de la méchanceté, Dénoue les liens de la servitude, Renvoie libres les opprimés, Et que l'on rompe toute espèce de joug;  Partage ton pain avec celui qui a faim, Et fais entrer dans ta maison les malheureux sans asile; Si tu vois un homme nu, couvre-le, Et ne te détourne pas de ton semblable. Alors ta lumière poindra comme l'aurore, Et ta guérison germera promptement; Ta justice marchera devant toi, Et la gloire de l'Éternel t'accompagnera. Alors tu appelleras, et l'Éternel répondra; Tu crieras, et il dira: Me voici! Si tu éloignes du milieu de toi le joug, Les gestes menaçants et les discours injurieux,  Si tu donnes ta propre subsistance à celui qui a faim, Si tu rassasies l'âme indigente, Ta lumière se lèvera sur l'obscurité, Et tes ténèbres seront comme le midi (Esaïe 58 :6-10).
Jésus a lui aussi fait ce type de condamnation. A une époque où le jeûne était devenu un acte méritoire et ostentatoire (Matth 6:16 ; cf. Luc 18:12), Jésus a recommandé une pratique discrète du jeûne (Matth.6:17-18). Nous devons combattre le même formalisme de nos jours. En réalité, le jeûne qui est premièrement un exercice de l’humilité ne doit en aucun cas servir à attirer l’attention des hommes sur soi ; auquel cas il ne sert plus la cause de son existence.
Ceci nous permet de critiquer même l’hyper-pouvoir que les hommes accordent aujourd’hui à la pratique du jeûne. Dans notre société où la souffrance est grande, la tentation est souvent grande de trouver dans les pratiques religieuses le bâton magique ou le remède miracle à nos maux. La tromperie ici est très subtile : souvent, ne voyant aucun mal à ce qui est religieux et ne se doutant pas que le rituel religieux peut aussi devenir notre idole,  on transfère sur lui la confiance que l’on devrait avoir en Dieu seulement.
Certains emploient ainsi le jeûne comme une grève de la faim, comme s’ils essayaient d’arracher à Dieu ce qu’il ne souhaite pas lâcher ; ils diront à ce propos qu’il y a des problèmes difficiles que l’on ne peut traiter que par le jeûne[2]. Ceci est une déviance témoignant de l’incompréhension de la nature de Dieu et du jeûne.
Nous ne cesserons jamais de dire que le but de la prière et du jeûne n’est pas de changer Dieu ou sa volonté mais de nous changer nous-mêmes pour agir selon sa volonté. La pratique du jeûne ne doit pas devenir la justification par les œuvres. Dieu est amour (1Jean 4:8), bon et miséricordieux (Ex. 34:6); il fait du bien même aux méchants (Matth 5:45) et est au courant des besoins de ses fidèles (Matth 6:32). Le jeûne nous permet simplement de nous approcher davantage de lui et de progresser dans notre relation avec lui.
Conclusion
Le jeûne biblique est un exercice de la foi et l’expression de notre dépendance vis-à-vis de Dieu. Au même titre que la prière avec laquelle il ne se sépare d’ailleurs pas, il nous aide à nous approcher de Dieu. Le chrétien ne devrait pas manquer de le pratiquer de temps en temps. Pendant son exercice, nous sommes invités à user de bienveillance à l’égard de nos semblables. De même on ne devrait pas en faire un simple rituel formaliste pour attirer l’attention sur nous ; pas plus qu’on ne devrait lui conférer la puissance que Dieu seul détient ou essayer d’en faire une baguette magique pour les cas difficiles.


[1] Un exposé plus large sur la question du jeûne se trouve dans E.A.Patrick, 7 jours avec Dieu : l’ancien testament nous enseigne à prier (Yaoundé, Cameroun : Biblical Studies Production, 2009), 18-28.
[2] Ce raisonnement est souvent basé sur Matth.17:21 : « Mais cette sorte de démon ne sort que par la prière et par le jeûne. » Ce texte, absent dans premières leçons des meilleurs manuscrits, commence à apparaître seulement dans les manuscrits du 5ème siècle (², C, D, L, etc.). Il ne peut malheureusement servir de base théologique solide pour la simple raison qu’il apparaît être une insertion tardive, probablement ajoutée par des scribes qui voulaient mettre une emphase doctrinale sur le jeûne. Sa version parallèle en Marc 9:29 n’a par ailleurs pas la mention du jeûne.

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