lundi 29 novembre 2010

POURQUOI EST-IL SI DIFFICILE DE PRIER ?



Aujourd'hui, comme hier, l’exercice assidu de la prière est difficile. Bien des croyants sachant qu’il faut prier sans cesse veulent bien le faire mais n’y arrivent pas. De nombreux autres commencent l’exercice mais s’arrêtent en chemin. Il y a aussi une foultitude d’autres personnes qui n’attachent aucun intérêt à la prière. La question de l’asthénie spirituelle en général et de la faiblesse dans la prière en particulier est une préoccupation très commune parmi les croyants.
Malgré de nombreux encouragements et d’invitations à prier, l’exercice de la prière reste une activité très faible. Nous avons traité certains aspects de la problématique de la difficulté à prier il y a quelques temps[1]en examinant la question du désir de prier ; sujet dans lequel nous avons essentiellement relevé les facteurs réduisant ou détruisant l’envie de prier.
Dans le présent sujet, il s’agit considérer plus largement les facteurs défavorisant l’exercice de la prière ; facteurs aussi bien, spirituels, psychologiques que physiques. En un mot il s’agit d’examiner pourquoi la pratique de la prière n’est ni constante pour tous ni facile à exécuter par tous. Pour simplifier notre sujet[2], nous allons brièvement analyser le texte de Matthieu 26:36-46, dans lequel nous trouvons des personnes peinant à prier longtemps. Cette analyse nous permettra d’intégrer le diagnostic que Jésus fait sur la question ; ce qui permettra de déboucher sur des pistes de solution.

Le contexte
Dans la soirée où il fut livré, Jésus alla à Gethsémané pour prier (Mt 26:36). Il prit avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée, Jean et Jacques qu’il invita à veiller et prier avec lui. Nous lisons malheureusement que trois fois de suite (Mt. 26 :40, 43, 45)[3], Jésus les trouva endormis parce qu’ils n’arrivaient pas à prier longtemps. Jésus constatant la lassitude de ses disciples dit : « Veillez et priez, afin que vous ne tombiez pas dans la tentation; l'esprit est bien disposé, mais la chair est faible. » (Mt. 26:41, NEG).
Une lecture approfondie de cette déclaration de Jésus nous permet de dire que la difficulté de prier repose sur deux principaux facteurs : la disposition de l’esprit et la vitalité de la chair.
La disposition de l’esprit
Au constat de ses disciples somnolant et incapables de prier longtemps, Jésus leur recommande de veiller et de prier ;  il affirme alors que l’esprit est bien disposé, en contraste avec la chair faible.
«L’esprit est bien disposé, mais la chair est faible» : Dans cette phrase Jésus contraste l’esprit (pneuma) à la chair (sarx).  Jésus n’essaye pas de démontrer ici que l’esprit peut vivre indépendamment de la chair et vice-versa ; mais il se réfère à aux deux composantes de la nature humaine : l’esprit et la chair.
Dans ce cas la chair signifie l’aspect physique tandis que l’esprit se réfère à l’aspect conscient, mental et volitif de l’individu. Ceci est confirmé par le qualificatif que Jésus applique à l’esprit ; il est « bien disposé, » qualificatif décrivant un état d’esprit.
La question à se poser ici est ce que signifie la bonne disposition de l’esprit. L’adjectif utilisé ici est «prothumos.» Il signifie «désireux », « volontaire »,  « prêt », « enthousiaste » ou « zélé.» Un individu ayant un esprit bien disposé est donc une personne ayant envie de faire une chose. Cette envie peut signifier une volonté consciente ou un désir passionné.
Dans ce texte Jésus prépare ses disciples à affronter l’épreuve imminente allant de son arrestation à sa mort; son propre engagement à la prière démontre une telle préparation (Mt 26:36-39, 42, 44). Mais l’on ne peut occulter le fait que la prière est au cœur d’une telle préparation. La recommandation de veiller et prier arrive après le constat que Pierre, Jean et Jacques n’ont pas pu veiller une heure (v.40). Elle est immédiatement suivie par la déclaration : «L’esprit est bien disposé, mais la chair est faible.»
L’on peut comprendre de cette affirmation que la faiblesse de la chair risque être un handicap à l’heure de l’épreuve de l’arrestation du Maître ; d’où la nécessité de veiller et prier. Mais le contexte suggère que prier en cette soirée pour les disciples est déjà difficile, étant donné qu’ils s’assoupissent à chaque fois que Jésus s’éloigne. Cela est déjà une certaine faiblesse. En d’autres termes, malgré leur bonne volonté à prier, ils éprouvent quelques autres difficultés. La question de la prière en rapport avec la disposition de l’esprit est donc pertinente.
On comprend donc qu’il existe une catégorie de personnes, à l’exemple des disciples, qui ont le désir, la volonté de prier mais se trouvent confrontées à une faiblesse d’une autre nature. Cela permet de dire qu’il y a aussi une catégorie de personnes qui n’ont pas ce désir et cette volonté. Elles ne sont pas prêtes à prier et n’en éprouvent aucune envie. Ceux-là n’ont aucune confiance en Dieu et ce dernier n’est pas impliqué dans le processus de leurs actions. C’est donc un problème d’incrédulité, une crise de la foi.
Un diagnostic similaire est d’ailleurs plus évident dans la question rhétorique de Jésus : « quand le Fils de l'homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » (Lc.18:8). Dans ce cas aussi, Jésus enseigne « qu'il faut toujours prier, et ne point se relâcher» (Lc.18:1) et met le manque de foi en cause.
Manifester la foi en Dieu et prier signifie que l’on recentre les préoccupations et priorise Dieu comme personnage central de la vie. Quand cela est fait, la communication avec lui devient naturelle, aussi bien en temps de paix qu’en temps de crise. Une telle inclination spirituelle ne naît pas de façon spontanée ; elle se cultive, elle s’entretient.
La chair est faible
Le Christ a clairement dit que la chair est faible faisant d’elle le maillon le plus vulnérable de la vie de prière. De nombreuses personnes ont interprété la « chair » (sarx) dans ce texte comme se référant aux tendances naturelles et aux désirs stimulés par les sens. Ce sens est bien évidemment récurrent dans les Ecritures et surtout dans le NT (cf. Rom 8:3-13 ; Gal. 5:13, 16, 17, 19, 24).
Le contexte montre cependant que c’est la faiblesse physique qui est incriminée ici. La scène se passe dans la nuit, après une longue journée ; le sommeil répété des disciples démontre la fatigue physique. Le texte donne la raison pour laquelle ils se sont endormis une deuxième fois : « leurs yeux étaient appesantis » (Mt. 26:43). C’est ce sommeil des disciples qui provoque la déclaration du verset 41. L’autre évidence est l’usage de l’adjectif « asthenès» (faible, malade). Dans les évangiles et dans Matthieu en l’occurrence il est toujours en rapport avec la fatigue physique et la maladie. Les exemples d’associations d’«asthénès» avec la faiblesse spirituelle sont une exclusivité de Paul qui énonce les actes immoraux comme étant la vie selon la chair[4]. Il est difficile de voir cette association dans le contexte de Matthieu 26:36-46.
Cela veut dire que la vitalité physique est nécessaire pour une activité normale de prière. Il arrive fréquemment que, malgré la volonté de prier, la lassitude physique prenne le dessus et rende la prière impossible. Plusieurs personnes se sont d’ailleurs surprises plus d’une fois en train de somnoler alors qu’elles avaient commencé à prier. Plus drôle, d’autres se sont réveillées seulement le lendemain pour se souvenir avoir commencé une prière et ne l’avoir jamais achevée. Bien que ce soit un phénomène plus observable le soir, de nombreux cas de lassitude physique expliquent aussi l’absence de prière dans la journée[5].
Il convient de ménager les efforts en journée pour avoir un tonus suffisant pour les activités spirituelles du soir. Une hygiène de vie adéquate est nécessaire. De petites astuces pratiques peuvent être utiles : boire un verre d’eau fraiche avant de prier ; prier à genoux et à haute voix[6] ; ne pas attendre d’être trop fatigué pour faire la prière du soir ; etc.

Conclusion
Une brève analyse du récit des trois disciples qui ont eu de la peine à veiller et prier dans la nuit où leur Maître fut livré montre qu’il faut avoir aussi bien la bonne volonté que la vitalité physique pour prier. Certaines personnes ont déjà ce désir ; il leur faut alors prendre d’autres dispositions nécessaires à la pratique d’une bonne vie de prière. D’autres n’ont ni le désir, ni la foi nécessaire pour prier, il leur faut le déclic qui les engagera sur le sentier de la vie spirituelle.
Pour tous, autant il importera de veiller à avoir un esprit bien disposé, autant il faudra prendre des mesures adéquates pour surmonter la lassitude. Engager ce chantier est le prix à payer pour vaincre la difficulté de prier.


[1] cf. http://pasteurguyjosia.blogspot.com/2010/11/quand-le-desir-de-prier-sen-va.html
[2] Examiner les raisons rendant difficile l’exercice de la prière est plus vaste que l’espace d’un article. Le présent examen n’a pas la prétention d’être exhaustif sur la question. L’ignorance et la méconnaissance de la prière sont des explications possibles. Plusieurs personnes ne prient pas parce qu’elles ne savent tout simplement comment prier. La requête des disciples de Jésus : « enseigne-nous à prier » (Lc.11:1) démontre ce fait que de l’ignorance peut freiner l’exercice ou le meilleur exercice de la prière.
[3] Certains commentateurs estiment que c’est plutôt deux fois que Jésus a trouvé les disciples endormis. Ils basent cette interprétation d’une variante de traduction de la phrase « katheudete to loipon kai anapauesthe » du verset 45. Il est effectivement possible de traduire cette expression de deux façons.  Certaines versions traduisent « Désormais vous pouvez dormir et vous reposer » (Bible de Jérusalem) et font supposer que les disciples ne dormaient pas quand Jésus les trouve et celui-ci leur dit de prendre désormais leur repos. Il est cependant préférable de lire cette expression comme un énième constat de sommeil des disciples comme l’ont lu certains traducteurs : « Vous dormez maintenant, et vous vous reposez !» (NEG). Le contexte soutient cette hypothèse : (1) Le narrateur dans sa progression fait déjà remarquer de façon deux fois que les disciples n’arrivent pas à veiller. Une troisième mention de sommeil serait en harmonie avec la prédilection de Matthieu pour le chiffre trois (1/3 des évangiles) probablement calquée sur la nécessité juive d’étayer un fait par le témoignage de trois témoins (cf. Mt. 18:16, 20 ; 26:34, 75). (2) La plus grande évidence à lire le constat de sommeil est la phrase suivante : « Levez-vous, allons; voici, celui qui me livre s'approche.» (Mt 26:46). Jésus ne peut pas demander à ses disciples de dormir et de se lever en même temps. Cette phrase montre plutôt qu’il les invitait à se réveiller, et se lever pour faire face à de nouveaux événements. Les disciples avaient donc dormi une troisième fois.
[4] Même dans ce cas, le seul cas pertinent chez Paul où l’association de « sarx » et « asthenès » se réfère à l’impureté est Rom 6:19 : « Je parle à la manière des hommes, à cause de la faiblesse de votre chair.-De même donc que vous avez livré vos membres comme esclaves à l'impureté et à l'iniquité, pour arriver à l'iniquité, ainsi maintenant, livrez vos membres comme esclaves à la justice, pour arriver à la sainteté. »
[5] On pourrait dire que la mauvaise disposition d’esprit et la priorité accordée à d’autres activités que la prière empêchent généralement de prier dans la journée ; tandis que la lassitude physique est davantage un facteur intervenant le soir. On peut bien entendu observer des cas de mauvaise disposition d’esprit le soir et des cas de fatigue le jour.
[6] Je dois ces deux astuces des citations d’Ellen G. White telles qu’apparaissant dans le livre Enseigne-nous à prier (Dammarie-les-Lys, France : Vie et Santé, 1996), 65.

lundi 22 novembre 2010

Dieu prend soin de ses enfants

Mieux que l’amour d’une mère
Je passais par une large avenue de Douala lorsque mon attention fut attirée par une foule autour d’un bac à ordures. Curieux, je m’approchai pour savoir de quoi il était question. La curiosité laissa bientôt place à l’horreur : un bébé à qui on pouvait attribuer deux semaines était enveloppé dans un sac en plastic. Personne n’avait vu celle qui avait jeté ce minuscule corps agonisant mais tout laissait croire qu’il n’était pas là depuis longtemps. Il se disait que c’était les cris du bébé qui avaient attiré les passants. L’enfant, s’étant déshydraté et devenu trop faible, ne résista plus longtemps. Il mourut sous les yeux impuissants d’une foule interloquée.
La frustration du moment était grande mais  elle laissa un peu de place au réalisme pour que nous constations la poussée exponentielle des  actes d’abandon de nouveau-nés dans nos cités. Une question importante se dégage alors de la Bible : « Une femme oublie-t-elle son nourrisson ? N’a-t-elle pas compassion du fils de ses entrailles ? » (Esaïe 49:15)
Pendant que le problème social de ces criminelles qui ne disent pas leur nom subsiste, reconnaissons qu’il existe tout de même des mères qui jouent parfaitement leur rôle. Il existe des femmes qui, pour rien au monde, n’échangeraient le bonheur d’avoir un enfant. La relation mère-enfant est une relation qu’on explique très peu mais dont on constate le lien puissant par l’existence d’un cordon. Ce cordon viscéral est tel que chaque maman considère son enfant comme une partie d’elle-même.
C’est là le principe; la maman est d’abord maternelle, protectrice. Vient alors l’étonnante dérogation de ces femmes sans cœur, qui à cause d’intérêts purement égoïstes sacrifient des vies innocentes ou font souffrir le martyr à leurs enfants quand elles n’ont pas le courage de les tuer. Ces femmes sont étonnantes parce que le principe est qu’une mère n’oublie pas son nourrisson, elle a compassion du fruit de ses entrailles.
La chose la plus intéressante est que Dieu connaissant la faillibilité du genre humain avait prévu qu’il peut exister ce genre de “femme-horreur”. C’est pour cette raison que dans son souci de nous faire comprendre ce qu’il ressent pour nous ; pour véhiculer la tendresse, le soin qu’il prend pour nous, il s’assimile à une maman. Mais pour que l’on ne risque pas de méprendre son imagerie, il nous fait comprendre qu’il est au-dessus des mères : «  Quand elle l’oublierait, moi je ne t’oublierai pas », dit-il
Il peut arriver, comme cela se passe déjà trop ces derniers temps, qu’une maman oublie son enfant. Alors n’allons pas comparer Dieu aux mamans.  Quand a contrario il arrive qu’on admire la douceur, la tendresse, l’amour qu’une mère montre à son enfant, souvenons-nous que Dieu fait mieux. Il dit : « Voici, je t’ai gravé sur mes mains » (Esaïe 49:16).
Savez-vous comment Dieu a gravé l’humanité sur ses mains ? Ces clous transperçant ses paumes et s’enfonçant dans le bois. Le poids de ce corps suspendu et la loi  de la gravité s’imposant à tout cet ensemble. Imaginez sa chair se déchirant par ces clous, le cœur menaçant d’exploser par la douleur qui devenait inhumaine, le sang ruisselant et formant bientôt une source, la source du salut. Oui, c’est de cette manière que nous avons été gravés sur les mains de Dieu, et regardant ses paumes tous les jours, pour l’éternité, il ne peut  nous oublier. Mieux que les mamans ordinaires, Dieu s’est livré pour sauver ses enfants, il s’est livré jusqu’à la mort.
Meilleur que les meilleurs pères
Bien que Dieu ait suffisamment révélé son amour dans l’Ancien Testament, beaucoup de personnes se sont méprises et n’ont pas compris l’amour et la tendresse que Dieu a pour ses enfants. Jésus est venu pour faire tomber certaines écailles qui ternissaient la vue au sujet de Dieu. Les gens avaient une perception d’un Dieu exigeant, dur, qui ne donnait rien pour rien ; d’autres soutenaient, comme c’est encore le cas, que Dieu avait cessé d’avoir des relations avec les hommes. C’est pour créer une meilleure vision de Dieu et rétablir la relation d’amour que Jésus a enseigné ses contemporains à se référer à Dieu comme « Père»
Un jour qu’il enseignait sur la prière il dit : « Quel père parmi vous, si son fils lui demande du pain, lui donnera une pierre ? Ou s’il lui demande du poisson lui donnera-t-il un serpent au lieu d’un poisson ? Ou s’il demande un œuf, lui donnera-t-il un scorpion ? » (Luc 11:11-12)
Reconnaissons qu’il arrive que des parents ne donnent rien à leurs enfants quand ceux-ci leur font une certaine demande. Mais il est difficile de voir un père qui, au lieu de ne rien donner à son enfant, ira jusqu’à lui donner une chose dangereuse. Quand un parent ne veut pas ou ne peut pas donner, il ne donne rien. C’est là la perspective du monde actuel.
Mais Jésus-Christ nous place dans une perspective légèrement différente. Quand un père n’aurait pas envie de donner, il n’irait jamais donner un scorpion, un serpent ou une pierre. Dès qu’il donnerait quelque chose, cette chose serait automatiquement bonne. La leçon était imposante : « Si donc vous qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison votre Père qui est  dans les cieux en donnera-t-il de bonnes à ceux qui les lui demandent » (Matthieu 7:11).
L’amour, les capacités et les dispositions de Dieu sont au dessus des possibilités humaines. Si les parents humains, enclins au mal, peuvent manifester de la tendresse et donner de bonnes choses à leurs enfants, Dieu a fortiori donnera de bien meilleures aux siens ! Ce n’est pas Dieu qui créerait la souffrance à ses enfants, lui tout amour, quand les parents terrestres cherchent le bien de leurs enfants. Dieu ne doit pas être regardé comme opposé au bonheur des humains. Sa compassion et ses dispositions nous invitent à aller et lui pour exposer nos soucis.

dimanche 14 novembre 2010

QUAND LE DESIR DE PRIER S'EN VA


Bien que les chrétiens soient encouragés par Paul à prier sans cesse (Eph. 6:18; 1Thess. 5:17), plusieurs personnes se sont trouvées au moins une fois dans une situation où elles ne ressentent aucune envie de prier. Plusieurs facteurs pourraient être évoqués pour expliquer cet état de choses et nous allons examiner quelques-uns de ces facteurs. Nous allons principalement nous focaliser sur la question des émotions désagréables et celle des actes malveillants qui se tiennent comme des barrières courantes en face de la prière.

Quand nos sentiments ne sont pas au beau fixe
Le désir de prier s’enfuit généralement quand nous avons des troubles émotionnels. Au-delà des troubles émotionnels, parfois c’est l’absence même du désir de prier qui joue les trouble-fêtes de l’activité spirituelle.
Au sujet de l’absence du désir de prier, nous dirons d’emblée que les émotions ne sont pas et ne doivent pas être le critère de la spiritualité. Dans le texte de 1Corinthiens 14:15, Paul énonce le principe de la prière intelligente : « Que faire donc ? Je prierai avec l'esprit, mais je prierai aussi avec l'intelligence. » Bien que le contexte suggère que prier avec l’intelligence ici signifie se faire comprendre, l’emploi du grec « noûs » montre qu’il s’agit de prier en usant des facultés intellectuelles, de la capacité à concevoir et à raisonner. Le terme se réfère en effet à la pensée, la raison, l'intention, la compréhension et le discernement.
Cela dit, le croyant devrait appréhender la prière comme un acte conscient, intentionnel, raisonné et planifié. Les sentiments peuvent se greffer à cette démarche, mais ils ne sont et ne doivent pas devenir le moteur de ladite démarche. En d’autres termes, la prière doit consciemment être pratiquée ; que l’on ressente le fort désir émotionnel qui nous y incite ou que l’on ne ressente rien du tout. Les phrases suivantes devraient être gravées dans l’esprit de tout croyant :
Les sentiments sont trompeurs, les émotions ne sont pas une sûre sauvegarde ; car les deux sont variables et sujets aux circonstances extérieures… L’enfant de Dieu ne devrait  pas attacher trop d’importance à ce qu’il ressent intérieurement, car les sentiments ne sont pas des guides sûrs. La préoccupation de tout chrétien devrait être de servir Dieu par principe et non parce qu’il ressent ceci ou cela[1].

Outre l’absence des sentiments incitant à prier, le problème parfois est celui des chocs émotionnels. Pour certains, les occasions de deuil, de maladie, de souffrance ou toute difficulté conduisant à la tristesse excessive ou à la dépression ont souvent été fatals pour la vie de prière. Plus d’une personne ont vu leur vie de prière tarir après une crise émotionnelle.
Résoudre ce problème est difficile parce qu’il s’agit de traiter deux problèmes : le problème émotionnel (qui relève de l’accompagnement psychologique)  et le problème de la prière qui est spirituel. Le croyant vivant une période émotionnelle difficile aura besoin de soutien psychologique de la part des tiers qui pourront être des frères croyants ou des professionnels.
Pour que la vie spirituelle du croyant ne soit pas dévastée par une crise émotionnelle, c’est avant la crise qu’il faut travailler. Ce sont en général les principes, les présupposés et les espérances que l’on a accumulés en temps de lumière qui permettront de résister dans les moments sombres. Celui qui vit une relation saine et régulière avec Dieu parviendra à maintenir cette relation quand la vie ne sera pas rose.
La Bible en général, et les Psaumes en particulier enseignent à regarder à Dieu au temps de la détresse[2]. Nous avons de nombreux exemples où les enfants de Dieu ont crié à Dieu, même quand leur état émotionnel ne s’y prêtait pas. Dieu lui-même encourage à prier en temps de souffrance : « invoque-moi au jour de la détresse; Je te délivrerai, et tu me glorifieras.» (Ps.50:15). Il faut souligner que les cris et les prières de détresse vers Dieu se retrouvent dans les psaumes de lamentations et les diverses complaintes  de la Bible. Ces plaintes nous enseignent à prier et crier notre souffrance à Dieu. Cela manifeste notre foi et témoigne de ce que notre secours ne viendra que de lui (Ps.121:1-2)[3].


Le péché et la prière
Le péché est très fréquemment la barrière qui se dresse entre nous et la prière. Bien nombreux sont ceux qui, après un acte malveillant, ont décidé de remettre la prière à plus tard—au moment où, pensent-ils, Dieu serait un peu apaisé.
Il faudrait dire que cesser de prier parce que l’on a transgressé la loi et la volonté de Dieu est une incompréhension totale aussi bien de la nature humaine que de la nature de Dieu. Au sujet de la nature humaine c’est une erreur—et même de la présomption—de croire qu’un moment se présentera en cette vie où l’être humain sera irréprochable et sans tache[4] ; et que ce moment sera propice pour parler à Dieu. Le diable trouve ici l’une de ses armes les plus puissantes : mettre l’humain en situation de péché pour que toute communication cesse entre l’homme et Dieu. C’est dans ce sens que l’on a pu comprendre que le péché tue la vie de prière quand ce n’est pas la prière qui tue la vie de péché. L’homme avisé ne devrait pas céder à cette tentation subtile.
Concernant Dieu, c’est une méprise de croire que Dieu fonctionne selon le modèle humain et entre en inimitié avec nous au point de ne plus vouloir nous écouter après notre acte malveillant. Bien que notre péché ne laisse pas Dieu indifférent et ait la capacité de nous séparer de lui (Es.59:2), Dieu est toujours volontaire à faire le premier pas pour communiquer (Gen.3:8-9 ; Rom 5:7-8), à négocier et à nous pardonner (Es.1:18).
Suspendre la prière montre aussi l’incompréhension de l’omniscience de Dieu. Même sans prier Dieu est au courant de notre péché et cela ne sert à rien d’essayer de lui cacher quelque chose en cessant de prier. Suspendre la prière suppose aussi que nous ne sommes pas au courant de la bonté, de la miséricorde et de la compassion de Dieu (Ps.103:8-14).
Nous sommes invités à parler à Dieu même après avoir péché. Dans cette démarche nous devons alors confesser nos péchés (Prov. 28:13) avec l’assurance qu’il nous pardonnera selon sa fidélité (1Jn.1:9; 2:1-2). La prière de confession après une inconduite est la garantie de la survie de la prière et de la vie spirituelle au final. La vie de prière tuera donc à terme la vie de péché.


[1] Enseigne-nous à prier (Dammarie-les-Lys, France : Vie et Santé, 1996), 48-49.
[2] Ps 4:1; 9:9; 10:1; 18:6, 18; 20:1; 22:11; 25:17; 31:9; 32:7; 37:39; 46:1; 50:15; 54:7; 59:16; 60:11; 66:14; 69:17; 77:2; 78:49; 81:7; 86:7; 91:15; 102:2; 106:44; 107:6, 13, 19, 28; 108:12; 116:3; 118:5; 119:143; 120:1; 138:7; 142:2; 143:11
[3] Voir à ce sujet E.A.Patrick, Sept jours avec Dieu : l’ancien testament nous enseigne à prier (Yaoundé, Cam. : Biblical Studies Production, 2009), 34-36.
[4] 1Jean 1:8, 10.