lundi 29 novembre 2010

POURQUOI EST-IL SI DIFFICILE DE PRIER ?



Aujourd'hui, comme hier, l’exercice assidu de la prière est difficile. Bien des croyants sachant qu’il faut prier sans cesse veulent bien le faire mais n’y arrivent pas. De nombreux autres commencent l’exercice mais s’arrêtent en chemin. Il y a aussi une foultitude d’autres personnes qui n’attachent aucun intérêt à la prière. La question de l’asthénie spirituelle en général et de la faiblesse dans la prière en particulier est une préoccupation très commune parmi les croyants.
Malgré de nombreux encouragements et d’invitations à prier, l’exercice de la prière reste une activité très faible. Nous avons traité certains aspects de la problématique de la difficulté à prier il y a quelques temps[1]en examinant la question du désir de prier ; sujet dans lequel nous avons essentiellement relevé les facteurs réduisant ou détruisant l’envie de prier.
Dans le présent sujet, il s’agit considérer plus largement les facteurs défavorisant l’exercice de la prière ; facteurs aussi bien, spirituels, psychologiques que physiques. En un mot il s’agit d’examiner pourquoi la pratique de la prière n’est ni constante pour tous ni facile à exécuter par tous. Pour simplifier notre sujet[2], nous allons brièvement analyser le texte de Matthieu 26:36-46, dans lequel nous trouvons des personnes peinant à prier longtemps. Cette analyse nous permettra d’intégrer le diagnostic que Jésus fait sur la question ; ce qui permettra de déboucher sur des pistes de solution.

Le contexte
Dans la soirée où il fut livré, Jésus alla à Gethsémané pour prier (Mt 26:36). Il prit avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée, Jean et Jacques qu’il invita à veiller et prier avec lui. Nous lisons malheureusement que trois fois de suite (Mt. 26 :40, 43, 45)[3], Jésus les trouva endormis parce qu’ils n’arrivaient pas à prier longtemps. Jésus constatant la lassitude de ses disciples dit : « Veillez et priez, afin que vous ne tombiez pas dans la tentation; l'esprit est bien disposé, mais la chair est faible. » (Mt. 26:41, NEG).
Une lecture approfondie de cette déclaration de Jésus nous permet de dire que la difficulté de prier repose sur deux principaux facteurs : la disposition de l’esprit et la vitalité de la chair.
La disposition de l’esprit
Au constat de ses disciples somnolant et incapables de prier longtemps, Jésus leur recommande de veiller et de prier ;  il affirme alors que l’esprit est bien disposé, en contraste avec la chair faible.
«L’esprit est bien disposé, mais la chair est faible» : Dans cette phrase Jésus contraste l’esprit (pneuma) à la chair (sarx).  Jésus n’essaye pas de démontrer ici que l’esprit peut vivre indépendamment de la chair et vice-versa ; mais il se réfère à aux deux composantes de la nature humaine : l’esprit et la chair.
Dans ce cas la chair signifie l’aspect physique tandis que l’esprit se réfère à l’aspect conscient, mental et volitif de l’individu. Ceci est confirmé par le qualificatif que Jésus applique à l’esprit ; il est « bien disposé, » qualificatif décrivant un état d’esprit.
La question à se poser ici est ce que signifie la bonne disposition de l’esprit. L’adjectif utilisé ici est «prothumos.» Il signifie «désireux », « volontaire »,  « prêt », « enthousiaste » ou « zélé.» Un individu ayant un esprit bien disposé est donc une personne ayant envie de faire une chose. Cette envie peut signifier une volonté consciente ou un désir passionné.
Dans ce texte Jésus prépare ses disciples à affronter l’épreuve imminente allant de son arrestation à sa mort; son propre engagement à la prière démontre une telle préparation (Mt 26:36-39, 42, 44). Mais l’on ne peut occulter le fait que la prière est au cœur d’une telle préparation. La recommandation de veiller et prier arrive après le constat que Pierre, Jean et Jacques n’ont pas pu veiller une heure (v.40). Elle est immédiatement suivie par la déclaration : «L’esprit est bien disposé, mais la chair est faible.»
L’on peut comprendre de cette affirmation que la faiblesse de la chair risque être un handicap à l’heure de l’épreuve de l’arrestation du Maître ; d’où la nécessité de veiller et prier. Mais le contexte suggère que prier en cette soirée pour les disciples est déjà difficile, étant donné qu’ils s’assoupissent à chaque fois que Jésus s’éloigne. Cela est déjà une certaine faiblesse. En d’autres termes, malgré leur bonne volonté à prier, ils éprouvent quelques autres difficultés. La question de la prière en rapport avec la disposition de l’esprit est donc pertinente.
On comprend donc qu’il existe une catégorie de personnes, à l’exemple des disciples, qui ont le désir, la volonté de prier mais se trouvent confrontées à une faiblesse d’une autre nature. Cela permet de dire qu’il y a aussi une catégorie de personnes qui n’ont pas ce désir et cette volonté. Elles ne sont pas prêtes à prier et n’en éprouvent aucune envie. Ceux-là n’ont aucune confiance en Dieu et ce dernier n’est pas impliqué dans le processus de leurs actions. C’est donc un problème d’incrédulité, une crise de la foi.
Un diagnostic similaire est d’ailleurs plus évident dans la question rhétorique de Jésus : « quand le Fils de l'homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » (Lc.18:8). Dans ce cas aussi, Jésus enseigne « qu'il faut toujours prier, et ne point se relâcher» (Lc.18:1) et met le manque de foi en cause.
Manifester la foi en Dieu et prier signifie que l’on recentre les préoccupations et priorise Dieu comme personnage central de la vie. Quand cela est fait, la communication avec lui devient naturelle, aussi bien en temps de paix qu’en temps de crise. Une telle inclination spirituelle ne naît pas de façon spontanée ; elle se cultive, elle s’entretient.
La chair est faible
Le Christ a clairement dit que la chair est faible faisant d’elle le maillon le plus vulnérable de la vie de prière. De nombreuses personnes ont interprété la « chair » (sarx) dans ce texte comme se référant aux tendances naturelles et aux désirs stimulés par les sens. Ce sens est bien évidemment récurrent dans les Ecritures et surtout dans le NT (cf. Rom 8:3-13 ; Gal. 5:13, 16, 17, 19, 24).
Le contexte montre cependant que c’est la faiblesse physique qui est incriminée ici. La scène se passe dans la nuit, après une longue journée ; le sommeil répété des disciples démontre la fatigue physique. Le texte donne la raison pour laquelle ils se sont endormis une deuxième fois : « leurs yeux étaient appesantis » (Mt. 26:43). C’est ce sommeil des disciples qui provoque la déclaration du verset 41. L’autre évidence est l’usage de l’adjectif « asthenès» (faible, malade). Dans les évangiles et dans Matthieu en l’occurrence il est toujours en rapport avec la fatigue physique et la maladie. Les exemples d’associations d’«asthénès» avec la faiblesse spirituelle sont une exclusivité de Paul qui énonce les actes immoraux comme étant la vie selon la chair[4]. Il est difficile de voir cette association dans le contexte de Matthieu 26:36-46.
Cela veut dire que la vitalité physique est nécessaire pour une activité normale de prière. Il arrive fréquemment que, malgré la volonté de prier, la lassitude physique prenne le dessus et rende la prière impossible. Plusieurs personnes se sont d’ailleurs surprises plus d’une fois en train de somnoler alors qu’elles avaient commencé à prier. Plus drôle, d’autres se sont réveillées seulement le lendemain pour se souvenir avoir commencé une prière et ne l’avoir jamais achevée. Bien que ce soit un phénomène plus observable le soir, de nombreux cas de lassitude physique expliquent aussi l’absence de prière dans la journée[5].
Il convient de ménager les efforts en journée pour avoir un tonus suffisant pour les activités spirituelles du soir. Une hygiène de vie adéquate est nécessaire. De petites astuces pratiques peuvent être utiles : boire un verre d’eau fraiche avant de prier ; prier à genoux et à haute voix[6] ; ne pas attendre d’être trop fatigué pour faire la prière du soir ; etc.

Conclusion
Une brève analyse du récit des trois disciples qui ont eu de la peine à veiller et prier dans la nuit où leur Maître fut livré montre qu’il faut avoir aussi bien la bonne volonté que la vitalité physique pour prier. Certaines personnes ont déjà ce désir ; il leur faut alors prendre d’autres dispositions nécessaires à la pratique d’une bonne vie de prière. D’autres n’ont ni le désir, ni la foi nécessaire pour prier, il leur faut le déclic qui les engagera sur le sentier de la vie spirituelle.
Pour tous, autant il importera de veiller à avoir un esprit bien disposé, autant il faudra prendre des mesures adéquates pour surmonter la lassitude. Engager ce chantier est le prix à payer pour vaincre la difficulté de prier.


[1] cf. http://pasteurguyjosia.blogspot.com/2010/11/quand-le-desir-de-prier-sen-va.html
[2] Examiner les raisons rendant difficile l’exercice de la prière est plus vaste que l’espace d’un article. Le présent examen n’a pas la prétention d’être exhaustif sur la question. L’ignorance et la méconnaissance de la prière sont des explications possibles. Plusieurs personnes ne prient pas parce qu’elles ne savent tout simplement comment prier. La requête des disciples de Jésus : « enseigne-nous à prier » (Lc.11:1) démontre ce fait que de l’ignorance peut freiner l’exercice ou le meilleur exercice de la prière.
[3] Certains commentateurs estiment que c’est plutôt deux fois que Jésus a trouvé les disciples endormis. Ils basent cette interprétation d’une variante de traduction de la phrase « katheudete to loipon kai anapauesthe » du verset 45. Il est effectivement possible de traduire cette expression de deux façons.  Certaines versions traduisent « Désormais vous pouvez dormir et vous reposer » (Bible de Jérusalem) et font supposer que les disciples ne dormaient pas quand Jésus les trouve et celui-ci leur dit de prendre désormais leur repos. Il est cependant préférable de lire cette expression comme un énième constat de sommeil des disciples comme l’ont lu certains traducteurs : « Vous dormez maintenant, et vous vous reposez !» (NEG). Le contexte soutient cette hypothèse : (1) Le narrateur dans sa progression fait déjà remarquer de façon deux fois que les disciples n’arrivent pas à veiller. Une troisième mention de sommeil serait en harmonie avec la prédilection de Matthieu pour le chiffre trois (1/3 des évangiles) probablement calquée sur la nécessité juive d’étayer un fait par le témoignage de trois témoins (cf. Mt. 18:16, 20 ; 26:34, 75). (2) La plus grande évidence à lire le constat de sommeil est la phrase suivante : « Levez-vous, allons; voici, celui qui me livre s'approche.» (Mt 26:46). Jésus ne peut pas demander à ses disciples de dormir et de se lever en même temps. Cette phrase montre plutôt qu’il les invitait à se réveiller, et se lever pour faire face à de nouveaux événements. Les disciples avaient donc dormi une troisième fois.
[4] Même dans ce cas, le seul cas pertinent chez Paul où l’association de « sarx » et « asthenès » se réfère à l’impureté est Rom 6:19 : « Je parle à la manière des hommes, à cause de la faiblesse de votre chair.-De même donc que vous avez livré vos membres comme esclaves à l'impureté et à l'iniquité, pour arriver à l'iniquité, ainsi maintenant, livrez vos membres comme esclaves à la justice, pour arriver à la sainteté. »
[5] On pourrait dire que la mauvaise disposition d’esprit et la priorité accordée à d’autres activités que la prière empêchent généralement de prier dans la journée ; tandis que la lassitude physique est davantage un facteur intervenant le soir. On peut bien entendu observer des cas de mauvaise disposition d’esprit le soir et des cas de fatigue le jour.
[6] Je dois ces deux astuces des citations d’Ellen G. White telles qu’apparaissant dans le livre Enseigne-nous à prier (Dammarie-les-Lys, France : Vie et Santé, 1996), 65.

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