mercredi 22 juin 2011

CONVERSION ET APPROCHES D’ÉVANGÉLISATION : COMPRENDRE NOTRE MISSION

 
L’évangélisation est attachée à l’existence et à la vie de l’Église ; celle-ci existe en raison de la mission que Dieu lui a confiée (Mt.5:14-16 ; 28:18-20 ; 1Pierre 2:9 ; Apoc.10:11 ; 14:6-7). L’admission des nouveaux membres fait partie de ce vécu de l’Église ; l’Église attend comme résultat de son action que le maximum d’individus se convertissent au Christ. Dans ce processus d’évangélisation, il y a toujours collision entre le message, les comportements de l’évangéliste et ceux de sa cible. Ce conflit de comportements a souvent conduit plus d’une personne à revoir ses approches d’évangélisation et a fait naître la tendance croissante d’admettre de « nouveaux convertis » sans requérir d’eux une réelle conversion.
Dans cet article, nous comptons examiner cette question et montrer que la repentance, la conversion et le changement de conduite de la personne cible d’évangélisation sont des attentes inaliénables de la mission chrétienne. Nous allons à cet effet remettre en exergue l’essence de cette mission chrétienne et analyser par quelle méthodes on peut affronter les diverses cultures sans mettre en péril l’impératif missionnaire chrétien.
Faire des disciples : notre impératif missionnaire
Le premier principe que l’on doit garder à l’esprit sur le terrain d’évangélisation est celui de « faire des disciples. » Dans Matthieu 28 :19-20 on lit : « Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint -Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde. »
Une compréhension de la phrase « poreuthéntes oun mathèteusate panta ta ethnè » (allez donc, faites de toutes les nations des disciples) montre la prééminence du verbe « mathèteuô » (être disciple) qui se trouve être le seul impératif du texte. En d’autres termes la mission principale donnée aux apôtres est de faire des disciples. Parmi les autres verbes attachés à ce mandat évangélique se trouvent «baptizontes» et « didaskontes » tous des participes présents, respectivement du verbe baptiser et du verbe enseigner, décrivant les actions du processus de faire des disciples. C’est dire que dans ce processus « faire des disciples » reste l’impératif, donc l’objectif primordial tandis que baptiser et enseigner restent les moyens ou la démarche.
Il faut pourtant souligner l’inséparabilité des éléments ici soulignés : on ne pourra jamais faire des disciples sans baptiser et sans enseigner à observer les prescriptions du Christ. En réalité, on ne pourra vérifier le statut de disciple d’un individu que quand on constatera son observation des principes du Maître. Sans cette observation, la mission restera inachevée !
Le changement d’orientations de vie et de pratiques est donc l’une des choses attendues comme résultat de l’évangélisation. Tous ceux qui sont exposés à l’évangile sont confrontés au choix d’abandonner leur ancienne manière de vivre et devenir de vrais disciples ou alors ne pas adopter le changement et rester non disciple.
Ces notions s’illustrent bien dans le cas de la prédication de Pierre au jour de la pentecôte. Quand les gens lui posèrent la question de savoir comment réagir à son prêche (Actes 2:37) Pierre répondit : « Repentez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ, à cause du pardon de vos péchés; et vous recevrez le don du Saint -Esprit. » Plus tard dans un autre prêche Pierre dit : « Repentez-vous donc et convertissez-vous, pour que vos péchés soient effacés » (Actes 3:19). On a ici l’écho de ce que l’on trouve déjà dans la prédication de Jean Baptiste :
Produisez donc des fruits dignes de la repentance, … La foule l'interrogeait, disant: Que devons-nous donc faire ? Il leur répondit: Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n'en a point, et que celui qui a de quoi manger agisse de même. Il vint aussi des publicains pour être baptisés, et ils lui dirent: Maître, que devons-nous faire ? Il leur répondit: N'exigez rien au-delà de ce qui vous a été ordonné. Des soldats aussi lui demandèrent: Et nous, que devons-nous faire ? Il leur répondit: Ne commettez ni extorsion ni fraude envers personne, et contentez-vous de votre solde (Luc 3 :7-14).
Là aussi on observe des gens qui, touchés par le message, s’attendent à changer de vie et qui demandent ce qu’ils doivent faire ; question à laquelle Jean Baptiste répond en proposant l’abandon d’anciennes pratiques et l’adoption d’un nouveau style de vie.
La question de la contextualisation : un principe incompris
Plusieurs personnes ont souvent milité en faveur de l’admission tels quels des candidats au baptême dans l’Église, même s’ils n’ont manifesté aucun signe de repentance et de conversion. Ils ont souvent évoqué à ce sujet le principe de la contextualisation qui voudrait que l’on intègre dans les méthodes missiologiques les principes de la culture cible d’évangélisation. Nous allons brièvement mettre en lumière cette notion de contextualisation et la mettre en harmonie avec l’exigence de faire des disciples.
Nous pouvons plus facilement résumer la notion de contextualisation avec les deux principes suivants :
-  Dieu rencontre les gens là où ils sont[1] et les amène là où Il est :
Ce principe est lui-même observable dans l’ordre de Mission de Jésus : l’usage aussi bien du verbe « poreuomai[2] » (aller) que de l’expression « ta ethnè » (tous les peuples) montre que l’on doit aller vers les peuples, donc les trouver où ils sont. Cela signifie connaître et respecter la valeur qu’ils accordent à leur culture. Si ces données culturelles sont contradictoires à l’évangile elles devront alors être changées par la puissance de l’évangile. Par la contextualisation, l’évangéliste entre dans une culture sans la rejeter d’emblée, il y agit et interagit en intégrant dans sa conduite les éléments de cette culture qui ne sont pas contradictoires à la vérité biblique.
-  Dieu enseigne du connu vers l’inconnu :
La contextualisation exige que l’évangéliste qui entre dans une culture adapte son message à la compréhension de la culture cible. Il doit donc employer le langage et les éléments culturels connus par les gens de cette culture et savoir trouver le pont pour les amener vers l’inconnu de la culture chrétienne.
Nous allons illustrer et expliciter les deux principes ci-dessus par deux textes importants de l’Écriture :
(i)     Paul à Athènes, Actes 17:16-34
Ce texte illustre bien comment Paul contextualise son message dans la ville grecque d’Athènes. Paul arrivé à Athènes est dérangé (v.16) par la présence de beaucoup d’idoles. Mais Athènes est une ville cosmopolite : diverses traditions religieuses (des idolâtres, v.16 ; des juifs et des hommes craignant Dieu, v.17) ; divers courants culturels et philosophiques (épicuriens et stoïciens, v.18).
-    Élément de compréhension de la culture cible (17-22): Paul parcourt la ville pour en connaître les données religieuses et sociales. il pourra donc dire dans son adresse de façon inclusive : « Hommes Athéniens, je vous trouve à tous égards extrêmement religieux » (v.22).
-    Paul trouve les gens où ils sont : Paul discute avec eux dans les synagogues, dans les places publiques (v.17) et devant le conseil de l’Aréopage (v.19). Paul parle leur langue et connaît même leur littérature et leurs poètes (« C'est ce qu'ont dit aussi quelques-uns de vos poètes: De lui nous sommes la race... », v.28).
-    Paul enseigne à partir du connu de ses auditeurs : De façon saisissante Paul ne commence pas par critiquer leur idolâtrie où leur mauvaise philosophie. Au contraire il loue leur religiosité (« je vous trouve à tous égards extrêmement religieux », v.22). Il prend leur religiosité, leurs lieux et objets de culte comme base de réflexion (v.23).
-    Paul dirige ses auteurs vers l’inconnu : C’est aux versets 23 et 24 que Paul réussit à trouver le pont, le lien entre la connaissance préalable des Athéniens et ce qu’ils ne connaissent pas : « j'ai même découvert un autel avec cette inscription: À un dieu inconnu ! Ce que vous révérez sans le connaître, c'est ce que je vous annonce. Le Dieu qui a fait le monde et tout ce qui s'y trouve » Partant de leur polythéisme et leur idolâtrie de base, il dirige leur attention vers le monothéisme et la croyance au Dieu créateur (v.23-29).
-    Appel à la repentance : fait remarquable, Paul prêche la repentance et le rejet de l’idolâtrie. Ceci démontre que dans une démarche de d’évangélisation où il rencontre ses auditeurs dans leur culture, Paul n’oublie pas l’objectif principal qui est de faire d’eux des disciples du Dieu Créateur.   L’évangéliste trouve les gens où ils sont et les amène là où Dieu est !
-    Résultat : Nous ne devons pas négliger d’apprécier le résultat de l’évangélisation d’Athènes décrite dans Actes 17. Elle est la marque même de toute évangélisation avec une ouverture sur deux réactions possibles.
De même qu’à l’écoute du message de Paul « les uns se moquèrent » et que d’autres le renvoyèrent à une autre fois (v.32), il y aura toujours des gens qui rejetteront le message de l’évangile même quand l’on a eu une bonne démarche de contextualisation ; ils refuseront de se convertir au Christ parce que cette décision est contraire à leur style de vie et que le rejet de leur ancienne culture leur est difficile.
En outre on remarque qu’à Athènes « Quelques-uns néanmoins s'attachèrent à lui et crurent, Denys l'aréopagite, une femme nommée Damaris, et d'autres avec eux » (v.34). Ceux-ci représentent des fidèles de qualité qui acceptent de se convertir réellement et tourner le dos à leur ancienne vie. Nous avons toujours le choix entre rabaisser les standards du christianisme pour avoir des résultats numériques plus importants et prêcher la repentance et la conversion au risque d’avoir des moindres résultats numériques mais d qualité.
C’est ici le lieu de signaler que c’est un leurre de croire que rabaisser les standards religieux induit forcément une croissance. Quand on est sûr qu’une telle croissance n’est pas de qualité, des études récentes montrent même que les groupes religieux libéraux régressent en nombre. Les citations suivantes sont éloquentes en la matière :
Les églises (évangéliques et protestants fondamentalistes) qui font des grandes demandes morales et doctrinales à leurs membres croissent… La gentillesse théologique, l’adoration avant-gardiste et le politiquement correct sont une prescription pour la catastrophe ecclésiastique. Des millions de personnes s’en vont parce qu’elles n’ont aucune bonne raison de rester[3].
Rabaisser les standards pour sauvegarder la popularité et accroître le nombre, et faire de ce nombre une source de réjouissance démontre un grand aveuglement. Si les chiffres étaient l’évidence du succès, Satan pourrait bien revendiquer la prééminence, car ses adeptes forment largement la majorité dans ce monde[4].
(ii)   Comment s’adapter à une nouvelle culture, 1 Corinthiens 9:5-27
Un des textes communément cités pour justifier l’acceptation de nouveaux membres dans l’Église sans leur demander de manifester des signes de repentance est la déclaration de Paul :
Avec les Juifs, j'ai été comme Juif, afin de gagner les Juifs; avec ceux qui sont sous la loi, comme sous la loi (quoique je ne sois pas moi-même sous la loi), afin de gagner ceux qui sont sous la loi;  avec ceux qui sont sans loi, comme sans loi (quoique je ne sois point sans la loi de Dieu, étant sous la loi de Christ), afin de gagner ceux qui sont sans loi. J'ai été faible avec les faibles, afin de gagner les faibles. (1Cor.9:19-22)
L’argument sommaire que les gens retirent de ce texte est qu’à l’exemple de Paul il faudrait recevoir chacun comme il est sans exigence aucune de changement, ce qui serait un meilleur exemple de contextualisation de la vie chrétienne.
Ce texte doit être lu à la lumière du contexte de ce que Paul est en train de discuter. Il se trouve dans la section de la première épitre aux Corinthiens où Paul discute de ses droits en tant qu’apôtre. Cette discussion peut être subdivisée comme il suit : 
 1Cor 9:1-14:
Les droits des apôtres
Dans cette section, Paul pose un certain nombre de questions pour affirmer la légitimité de ses droits d’apôtre. A la question « ne suis-je pas apôtre ? » il répond : « Si pour d'autres je ne suis pas apôtre, je le suis au moins pour vous; car vous êtes le sceau de mon apostolat dans le Seigneur. » (vv.1-2). Il demande alors : «N'avons-nous pas le droit de manger et de boire ? N'avons-nous pas le droit de mener avec nous une sœur qui soit notre femme, comme font les autres apôtres, et les frères du Seigneur, et Céphas ? Ou bien, est-ce que moi seul et Barnabas nous n'avons pas le droit de ne point travailler ? » (vv.4-6) Questions pour lesquelles il fait un exposé des Écritures (vv.8-13) pour montrer que « le Seigneur a ordonné à ceux qui annoncent l'Évangile de vivre de l'Évangile »(v.14). Paul démontre bien qu’l a des droits comme les autres apôtres en ont.
 1Cor 9:15-17: 
Renoncement de Paul à ces droits
Dans ces versets Paul énonce le fait qu’il n’a pas usé de ses droits d’apôtres.
  1Cor 9:18-27: 
Justification de son renoncement à ces droits
Ces derniers versets sont la raison que Paul donne sur son renoncement à ses droits. Sa motivation est claire : « Je me suis rendu le serviteur de tous, afin de gagner le plus grand nombre. » (v.19) Nous sommes ici en face du principe de contextualisation que Paul emploie pour justifier son action (le cas échéant étant le renoncement à ses droits d’apôtre). C’est dans cette mouvance qu’il montrera qu’il s’est adapté à chaque milieu (vv.20-22) pour gagner un grand nombre à l’évangile ; d’où la phrase «J'ai été faible avec les faibles, afin de gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous, afin d'en sauver de toute manière quelques-uns. » Paul comprend  par ailleurs son adaptation à chaque milieu comme une discipline (vv.24-27) à laquelle il se soumet volontiers à cause de l’évangile et de sa récompense (vv.23,27).
Ce que l’on comprend par ricochet à sa discussion justifiant ses droits d’apôtres est que Paul, dans une démarche de contextualisation, agissait différemment selon les milieux. Pour ne pas risquer d’entrer en collision avec le principe de faire des disciples et de prêcher la repentance, nous devrions chercher à comprendre la portée et le champ d’application de son changement de conduire : les principes moraux étaient-ils concernés ? Une harmonisation avec sa prédication de la repentance à Athènes montre que sa contextualisation ne mettait pas en péril les principes moraux mais que son adaptation concernait les éléments comportementaux qui n’avaient rien à voir avec le salut et qui variaient d’une culture à l’autre.
Nous pouvons illustrer cela avec la conduite de Paul au sujet de la circoncision. Dans Galates 2[5], nous observons que Tite, « qui était Grec, ne fut même pas contraint de se faire circoncire » (v.3) alors qu’il voyageait avec Paul. Dans ce même chapitre il affirme aussi avoir résisté à Pierre qui avait usé de dissimulation à ce sujet (11-14). A contrario, on remarque une attitude différente dans Actes 16 où Paul fait circoncire Timothée : « Paul voulut l'emmener avec lui; et, l'ayant pris, il le circoncit, à cause des Juifs qui étaient dans ces lieux-là, car tous savaient que son père était grec » (v.3).
L’on ne manquera pas de remarquer que ceci se passa après le concile de Jérusalem (Actes 15) où il avait été clarifié que la circoncision n’était pas une condition de salut et qu’elle ne devait pas être imposée aux païens. Le texte montre cependant que Paul y astreint Timothée « à cause des Juifs. » Même si cela n’était pas une condition du salut, Timothée devait se faire circoncire pour ne pas être systématiquement rejeté par les juifs. C’est ici la notion d’adaptation de Paul d’un milieu à un autre. L’on devra aussi comprendre que la circoncision n’était pas une violation de la loi de Dieu et pouvait être effectuée sans que les principes de Dieu ne soient mis en cause.
Ceci montre que dans la démarche de contextualisation, les comportements de la culture cible peuvent être adoptés par l’évangéliste quand ceux-ci ne sont pas en contradiction avec les principes de la loi de Dieu. Ceci confirme aussi que les points doctrinaux (l’enseignement) qui accompagnent la démarche missionnaire ne doivent pas être abandonnés au motif de la contextualisation ; l’évangéliste ne doit pas se conformer aux comportements immoraux de la culture cible (Rom.12:2) ni assouplir les principes pour le gain des âmes.
C’est parce qu’une confusion dans ces notions missiologiques que de nombreuses questions doctrinales ont souvent été laissées de côté lors des démarches missionnaires. Cela, comme nous l’avons relevé en introduction de cet article, est généralement source de désordre et de tensions dans la suite. De meilleures approches calquées sur les exemples de Paul permettre de concilier la mission chrétienne et le respect de la culture cible.


[1] « Dieu rencontre les gens là où ils sont » est un principe formulé par Jon Paulien dans l’Interprétation de la Bible, Voir par exemple What the Bible Says About the End-Time (Hagerstown, MD : Review and Herald, 1998), p.35 ou ‘’Hermeneutics of Biblical Apocalyptic’’ in George Reid, ed., Understanding Scripture : An Adventist Approach Biblical Research Institute Studies, vol.I (Silver Spring, MD : Biblical Research Institute, 2005), p.250. Nous appliquons ce principe à la Missiologie en le juxtaposant à un autre principe pour avoir une idée complète.
[2] Il se présente dans le texte comme un participe aoriste passif que l’on traduit en français par un impératif « allez »
[3] George Whital, cité par C.D.Brooks dans “I Want my Church Back”, sermon publié dans http://www.adventistsaffirm.com/article.php?id=30
[4] Ellen G. White, Testimonies for the Church, vol 6. pp.143-144
[5] Une étude attentive révèle que Galates 2:1-7 au moins comporte de nombreux thèmes parallèles avec 1Cor.9. Le thème de l’évangélisation (1 Cor 9:12,14,16,18,23; Gal 2:2,5,7,14), la notion démarche missionnaire comme étant une course (1Cor.9:23-27 ; Gal.2:2), une exposition du message différente selon les catégories de personnes (1Cor.9 :20-21 ; Gal. 2:2-9) ; la peur de disqualification à l’issue de la démarche évangélique (1Cor.9:27 ; Gal.2:2)

mardi 29 mars 2011

JÉSUS À L’HEURE DES RÉVOLUTIONS MONDIALES

Dans un monde qui bouillonne et où de nombreuses sociétés sont aux abois, plusieurs sont à la recherche des solutions. Dans cette mouvance nous observons  la montée et le renforcement d'une forme de religion sociale faisant la promotion d’un évangile social et des théologies libérationnistes dans lesquels les croyants n'ont d'intérêt qu'à trouver leur sécurité.  En revisitant le sermon de Jésus sur la montagne, nous nous rendons compte que l’homme a réellement besoin d’une révolution : celle du Christ.
Les principes de la révolution du Christ
Le sermon de Jésus sur la montagne est considéré comme sa déclaration de politique générale. Il dégage celui qui l’écoute de l'emprise matérialiste et bien que régulant les affaires quotidiennes et les sujets matériels, il a une portée plus spirituelle. Il dissone même dans ce domaine spirituel des anciens tons religieux servis par le clergé d’Israël à l’époque.
Le ton de la révolution de Jésus, tel que donné dans les béatitudes, est fort "paradoxal" et "brutal" en ce que non seulement il brave les préjugés et les traditions du temps, mais il vient au moment et par celui qu'on attend le moins. Ce sermon se fait dans une société où il y a bataille des classes, entre représentants du pouvoir romain et dépositaires du pouvoir religieux ; où le simple citoyen est doublement piétiné par les officiers de l'occupation dont les relais sont parfois les natifs du pays et par un clergé qui, par son ensemble de règles rigides ne facilite pas la vie.
Dans cet environnement où le marginal rêve d'une révolution miracle où il pourrait lui aussi détenir un pouvoir quelconque, Jésus fait la promotion de l'humilité. Il place même ses auditeurs, par sa première déclaration, dans la perspective d'un royaume qui n'a rien à voir avec leurs ambitions nationalistes : « Heureux les pauvres en esprit, car le royaume de cieux est à eux ! » (Matthieu 5 : 3)
Le Messie ne demande pas seulement de s'humilier pour remplir la première condition d'entrée dans le royaume de Dieu, il demande aussi d'accepter l'humiliation, il exalte ceux qui pleurent. A une foule qui veut gronder sa colère, il recommande la douceur; à ceux qui veulent, même par des coups-bas, se venger de l'ennemi, il recommande de rechercher la véritable justice, il fait la promotion d'un esprit de pardon, de la pureté du cœur et recommande de promouvoir la paix. A la fin de ses béatitudes, Jésus met un accent sur l'acceptation de l'adversité et déclare bienheureux les persécutés, les méprisés et  insultés qui se seront attachés à lui et à la justice : « Heureux ceux qui sont persécutés à cause de la justice, car le royaume des cieux est à eux! Heureux serez-vous lorsqu'on vous insultera, qu'on vous persécutera et qu'on répandra faussement sur vous toute sorte de mal à cause de moi. Réjouissez-vous et soyez dans l'allégresse… » ( Matthieu 5 : 10-12 )
Le décor était planté ! Ses orientations étaient claires : les valeurs devaient trouver un meilleur sens ! Le Christ promet en premier lieu le royaume des cieux, il promet ensuite la consolation, la réhabilitation sur la terre et la satisfaction dans son royaume. Ceux qui acceptent sa révolution verront Dieu, ils seront fils de Dieu! Ils seront heureux! Le secret du bonheur passe bien par la révolution de Dieu.
Le sermon sur la montagne tranche, non seulement avec le messianisme temporel, mais aussi avec les préjugés religieux. Les disciples de cette nouvelle pensée doivent s'attacher à la loi que le Maître a ratifiée  et dont il a réorienté l'interprétation en lui donnant une étendue plus large et en procédant à certaines rectifications d'interprétation pour lui donner un sens plus pratique, altruiste et spirituel. Le meurtre, par exemple, ne se comprend plus uniquement comme la suppression de la vie, l'adultère prend désormais effet dès le regard convoitant.
A ceux qui aspiraient au nouveau royaume, Jésus prescrivait l'amour des ennemis, l'observation de la règle d'or (Luc 6 : 31), la mise en garde contre les pratiques religieuses déformées et prescrivait la pratique de la parole de Dieu. Au départ, la révolution de Jésus pour le bonheur était individuelle et participative. Celui qui l'acceptait devait s'impliquer pour la promouvoir, il devenait par sa vie le sel de la terre et la lumière du monde, et provoquait par ses œuvres l'adoration de Dieu (Matthieu 5 : 13-16 ).
La révolution spirituelle qui faisait la promotion du royaume de Dieu méritait bien des assurances quant à la vie actuelle. C'est dans ce sens que Jésus a inséré dans sa déclaration de politique générale la question matérielle du vécu quotidien qui aura toujours fait écran, depuis des millénaires, à la compréhension des choses spirituelles. Jésus qui était loin d'être ignorant de cette question importante l'a prise au sérieux et a donné de grandes assurances en la matière. Cette question est profonde et touche à la question existentielle même de l'être humain.
Les conflits individuels - internes et externes – ou collectifs, les batailles des nations, le désir de domination des peuples ont à leur base l'emprise du matériel. Les peuples luttent et ont toujours bataillé à mort pour la maîtrise de la terre, des produits du sol, de la production des biens de consommation, etc. « D'où viennent les luttes », demande Jacques, « D'où viennent les querelles parmi vous sinon de vos passions qui guerroient dans vos membres ? Vous convoitez et vous ne possédez pas; vous êtes meurtriers et envieux, sans rien pouvoir obtenir » (Jacques 4 : 1, 2).

La confiance bien orientée

Globalement, concernant les biens matériels, Jésus-Christ a enseigné qu'il fallait bien définir ses priorités, orienter sa confiance vers de meilleures valeurs. « Ne vous amassez pas des trésors sur la terre », disait-il, « mais amassez des trésors dans le ciel » (Mt.6 :19-20). L'on ne peut placer sa confiance sur les richesses de la terre ; ceci, aussi bien parce qu’elles sont fragiles que parce que l'homme aussi l'est. Le mariage entre l'homme et la richesse est une union où finalement l'un se sépare toujours de l'autre sans qu'il n'y ait espoir de réconciliation.
Tout le monde est au courant de l'effondrement des grands empires économiques, des aléas et de la nervosité des places boursières où il suffit d'une étincelle pour provoquer un crash boursier. L'on sait que plusieurs grandes places financières ont été menées à la banqueroute et ont laissé plusieurs riches dans le désarroi. Quand ce n'est pas la richesse qui s'effondre, parfois c'est son propriétaire qui s'effondre plus vite. Ainsi en a-t-il été de tous les grands noms et puissants hommes de l'histoire humaine. Ils sont tous morts.
Certains essaient de consoler quelques autres que la vie continue après celle-ci et que l'on peut y vivre aisé… Cela est faux ! « Les morts ne savent rien et pour eux il n'y a plus de salaire (…) il n'y a ni activité, ni raison, ni science ni sagesse dans le séjour des morts où tu vas » (Ecclésiaste 9 : 5,10 ) Seule l'attente de la résurrection autorise une espérance meilleure or celle-ci est attachée à Dieu. Si l'homme dans son choix, oriente sa confiance en Dieu alors, il a fait le choix de la vie.
Jésus va plus loin dans son enseignement et nous fait observer aussi bien l'incapacité de l'homme que la seule source de toute grâce. La nourriture et le vêtement viennent de Dieu par grâce comme cela est donné aux oiseaux et notre inquiétude à propos est incapable de générer ces choses.
« Qui de vous par ses inquiétudes, peut ajouter une seule coudée à la durée de sa vie ? » (Matthieu 6 : 27)  La raison même pour laquelle Jésus nous invite à nous méfier de la richesse et de taire les soucis liés au matérialisme, est qu'il sait que notre inquiétude est improductive : elle ne crée pas ! Mieux, il nous invite à centrer et orienter notre confiance en Dieu parce que de lui viennent les grâces. Il est le créateur et aussi bien la richesse que la vie de l'être humain sont suspendues  à ses mains.
Instruisons-nous de l'observation de la croissance des lys. « Ils ne travaillent ni ne filent ; Cependant je vous dis que Salomon même dans toute sa gloire, n'a pas été vêtu comme l'un d'eux » ( Matthieu 6 : 28, 29 ). Le lys ne se plante par lui-même, il est planté parce que quelqu'un a bien voulu le planter. C'est ici le principe de grâce. Il attend la rosée du ciel, il est nourri par le sol. A bonne température, à la réaction des rayons solaires, le jeune plant sera bientôt une belle fleur. Le lys nous enseigne à attendre aussi bien notre croissance que notre beauté de Dieu.
Le lys nous apprend aussi à comprendre notre état. Le lys est plus beau que Salomon dans sa gloire, mais il ne s'en vante pas. Le lys est silencieux! Il ne s'enfle point d'orgueil. Malgré sa beauté, il reste une « herbe des champs qui existe aujourd'hui et demain sera jetée au four » Le lys est fragile, nous aussi! Il nous enseigne l'humilité.
C'est aussi la fragilité du lys qui nous enseigne notre valeur. L'homme est plus important que le lys. Si Dieu revêt une fleur dont il sait qu'elle va durer le temps de la caresse d'une main qui va devenir son destructeur, combien ne vêtira-t-il l'homme à plus forte raison? Oui à plus forte raison! L’homme est un être spécial qui bénéficie de meilleures attentions que celles des plantes. La vie de l'homme ne dépend pas du hasard, de la nature ou du bon vouloir d'un autre homme comme le serait la vie d'une fleur!
Nous valons de loin plus que les oiseaux que Dieu nourrit sans qu'ils n'aient rien à semer, à moissonner ou à épargner. Nous valons plus que les fleurs des champs qui sont belles sans travailler. Notre souci et nos inquiétudes en ces choses—la nourriture et la beauté--nous ridiculisent et nous avilissent au point de nous rendre inférieurs aux oiseaux et aux fleurs de lys.
Le problème de nos inquiétudes se trouve donc être un pur problème de foi. « Si Dieu revêt ainsi l'herbe des champs qui existe aujourd'hui et demain sera jeté au four, ne vous vêtira-t-il pas à plus forte raison, gens de peu de foi? » (Matthieu 6 : 30).
 On peut comprendre de façon plurielle l'emploi de « gens de peu de foi » par Jésus pour qualifier ses auditeurs inquiets. Nous y discernons d'abord une indignation : comment un homme peut-il  croire que Dieu qui revêt une vile herbe des champs d'une beauté supérieure à celle de Salomon au sommet de sa gloire, n'a plus le même regard favorable, la même grâce, la même puissance et la même volonté quand il s'agit de combler les besoins de l'homme qui est l'ouvrage de ses propres mains? 
Nous y lisons ensuite un blâme : la foi des gens qui cherchent à servir à la fois Dieu et l'argent est une foi faible. Quels sont ces pygmées spirituels qui croient en Dieu mais dont les soucis des choses de la vie obstruent la vision du Dieu d'amour qui est à la fois volontaire et capable de donner le bien-être à ses enfants?
Au somment de l'échelle de lecture, Jésus encourage ses auditeurs. « Votre foi existe », semble-t-il leur dire, « mais elle est encore faible tant elle est attachée aux choses de la terre, ne désespérez pas! » Cette foi doit grandir, elle peut grandir. Le Dieu tout puissant et miséricordieux qui fait grandir les lys possède la puissance nécessaire pour faire grandir cette foi. La foi est la clé qui ouvre ou encore le lien qui nous maintient attaché au Dieu d'amour et désireux de partager ses grâces avec nous. Cette foi doit croître et doit être exercée, elle doit être nourrie.
En parlant de la nourriture et du vêtement, Jésus a résumé tous les besoins de l'homme : aussi bien des besoins physiologiques que des besoins psychologiques. Il peut combler tous ces besoins aussi bien au sens littéral qu'au sens symbolique. En disant que Dieu peut nous vêtir comme le lys,  Jésus déclare que Dieu est celui qui peut nous donner aussi bien l'oxygène, la nourriture, l'eau, le logement, le repos, etc. que la sécurité, l'acceptation par la société, l'estime et le sentiment d'être utile et d'avoir de la valeur. Il faut tout simplement bien orienter la confiance, ne pas s'inquiéter et rechercher ces choses comme des incroyants car le Père sait de quoi nous avons besoin (Matthieu 6 : 32).
Plusieurs arguments sont cependant en défaveur d'une  religion qui a pour but unique de garantir le bien-être social de ses adeptes. La rencontre entre Dieu et les hommes n’a pas que le but de renforcer les mesures de sécurités liées à l'existence de l'homme. Cette rencontre a aussi d'autres allants spirituels, des communications spirituelles, immatérielles et intérieures qui permettent de trouver le bonheur en Dieu. Trouver le bonheur chez le créateur, c'est trouver la sécurité chez celui qui s'est dépouillé afin que l'homme soit vêtu ;  c'est s'attacher à celui qui propose d'enlever la honte de la nudité ou des vêtements sales et de faire paraître un être digne et confiant.

mercredi 16 mars 2011

L'IMPORTANCE DE LA PRIERE DANS LES TEMPS DE LA FIN

Un jour, en empruntant un sentier qui passait par la forêt, j’observai un phénomène assez peu ordinaire. Un palmier dont il ne restait qu’un tronc géant sans feuille était encerclé par un arbre. Posant la question aux habitants de la place, il me fut expliqué que le palmier était le premier à pousser à cet endroit. L’arbre poussa par la suite et, prenant de l’ampleur commença à étreindre le palmier pour finir par le phagocyter et provoquer son dessèchement.
L’image de ce palmier m’a toujours fait réfléchir et j’ai toujours transposé ce phénomène à la vie spirituelle et m’interroger sur la manière avec laquelle de nombreuses choses peuvent étouffer et tuer la vie de foi.
Le Seigneur Jésus a pratiquement n’a pas manquer d’observer ce phénomène et d’en tirer des enseignements.  Parlant un jour de l’impact de la Parole de Dieu, il fit allusion au type de grain tombé dans les épines et affirma : « Ce qui est tombé parmi les épines, ce sont ceux qui, ayant entendu la parole, s'en vont, et la laissent étouffer par les soucis, les richesses et les plaisirs de la vie, et ils ne portent point de fruit qui vienne à maturité »(Luc 8:12).
Dans ce texte le Seigneur montre que les soucis, les richesses et les plaisirs de la vie sont des facteurs menaçant la vie spirituelle et peuvent la phagocyter. Ceci est une mise en garde que de nombreuses personnes ont souvent négligé et ont vu leur vie de foi en souffrir sérieusement. La Parole de Dieu est assez claire : «la chair a des désirs contraires à ceux de l'Esprit, et l'Esprit en a de contraires à ceux de la chair; ils sont opposés entre eux » (Gal.5:17). Si on entretient l’illusion que les traditions mondaines, les richesses et la vie selon la chair peuvent sans risque avoir une place dans notre vie l’on se rendra vite à l’évidence que la piété et la foi en Dieu auront été meurtries : « Celui qui sème pour sa chair moissonnera de la chair la corruption » (Gal.6:7).
La menace de mort de la vie de foi est un risque plus élevé en ces temps de la fin où les propositions licencieuses font assaut de toutes parts et créent d’ailleurs une confusion qui trompe même les chrétiens qui baissent la garde du discernement. C’est alors que la prière prend toute son importance. Elle nous permet de rester en éveil, de maintenir le contact avec l’environnement céleste et de ne pas être désagréablement surpris par le retour du Christ. Jésus a énoncé ce principe dans son sermon sur les temps de la fin et a dit :
Prenez garde à vous-mêmes, de crainte que vos cœurs ne s'appesantissent par les excès du manger et du boire, et par les soucis de la vie, et que ce jour ne vienne sur vous à l'improviste;  car il viendra comme un filet sur tous ceux qui habitent sur la surface de toute la terre. Veillez donc et priez en tout temps, afin que vous ayez la force d'échapper à toutes ces choses qui arriveront, et de paraître debout devant le Fils de l'homme (Luc 21:34-36).
Dans ce texte aussi, Jésus mentionne le risque de voir la vie de foi être phagocytée par les plaisirs de la chair et les soucis de la vie au point de perde le discernement qui permette d’observer les signes de la venue du Christ et de se préparer à le rencontrer. La prière est préconisée, parmi les éléments de la préparation, comme le moyen de rester en éveil et de garder le discernement.
Le chrétien n’est pas en sécurité sans la prière en ces temps de la fin. Les recommandations du Christ devraient donc nous interpeller au plus haut point. « Que rien au monde, pas même ce que vous avez de plus cher, n’absorbe votre attention et vos affections au point de vous détourner de l’étude de la Parole de Dieu et de la prière fervente. Veiller et priez.»[1]



[1] Ellen G. White, Testimonies for the Church, vol.8, p.53.

L'effacement dans l'intercession

La célébrité est l’une des choses auxquelles de nombreuses personnes aspirent. Les personnes vivant uniquement pour la gloire et la recherche de la notoriété sont bien visibles dans le monde séculaire, notamment à travers de nombreux medias « people. » La chose étrange est que même dans les milieux religieux, l’on retrouve—et ces derniers temps de plus en plus—des personnes qui affichent leurs performances spirituelles ou religieuses comme des trophées. Il n’est plus rare de trouver—à la télévision aussi et de plus en plus—des sortes de gurus spirituels qui de par leur côté célèbre se présentent comme des personnes incontournables. A ce niveau élevé comme à une autre échelle plus basse du simple prieur qui publie ses exploits, l’on doit reconnaître qu’il s’agit d’une violation d’une règle de base dans la vie religieuse : l’effacement.
L’appel à l’effacement dans l’intercession
Jésus a fréquemment censuré les Juifs qui promouvaient un certain nombre d’actions à l’effet de chercher l’honneur des hommes. Nous allons brièvement mettre en lumière certains de ces textes qui en appellent  à l’humilité dans nos actions d’intercession[1].
Matthieu 6:5 : « Lorsque vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites, qui aiment à prier debout dans les synagogues et aux coins des rues, pour être vus des hommes. Je vous le dis en vérité, ils ont leur récompense. »
Dans ce texte Jésus censure clairement l’attitude ostentatoire dans les prières aussi bien dans les lieux sacrés que dans la rue. Ces prières sont empreintes d’hypocrisie parce qu’en réalité elles cachent un état hideux du cœur. Et cette hypocrisie est tellement subtile qu’elle est difficilement détectable puisqu’elle repose sur l’action religieuse. A l’opposé, Jésus recommande l’endroit réservé, privé et secret : «Mais quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est là dans le lieu secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra » (Mt.6:6).
Il faut observer les conclusions que Jésus fait des deux démarches : Ceux qui prient publiquement pour être vus ont déjà leur récompense alors que ceux qui prient en secret sont récompensés par Dieu. Le contraste des deux démarches suggère que les prieurs publics auront effectivement le respect des hommes mais ne seront pas honorés par le Père céleste tandis que les prieurs en secret, bien que les hommes ne soient pas informés de leur action, seront honorés par Dieu.
Matthieu 23 :5-10 :
Ils font toutes leurs actions pour être vus des hommes. Ainsi, ils portent de larges phylactères, et ils ont de longues franges à leurs vêtements;  ils aiment la première place dans les festins, et les premiers sièges dans les synagogues;  ils aiment à être salués dans les places publiques, et à être appelés par les hommes Rabbi, Rabbi.  Mais vous, ne vous faites pas appeler Rabbi; car un seul est votre Maître, et vous êtes tous frères.  Et n'appelez personne sur la terre votre père; car un seul est votre Père, celui qui est dans les cieux. Ne vous faites pas appeler directeurs; car un seul est votre Directeur, le Christ.
Dans cet autre texte, Jésus censure également l’activisme pour être remarqué et la recherche de la gloire et l’honneur humains. Ceci est une interpellation forte pour les personnes qui agitent leurs œuvres comme signe de leur puissance. De même que c’est un rejet de la recherche de la notoriété par des titres honorifiques. Jésus condamne la pratique de nombreuses personnes travaillant dans les domaines de la foi qui aiment à se faire appeler par des titres : « révérend » ; « pasto » ; « apôtre » ; « prophète » ; et autres titres pompeux. En disant « vous êtes tous frères » Jésus rejette clairement tout élitisme spirituel qui consiste à placer les leaders spirituels sur un piédestal et les érigeant en gurus indispensables. Il met également en exergue le fait que de telles attitudes font concurrence à la gloire du Christ qui seul mérite la louange (cf.Phil.2:9-11 ; Apoc.5:9-14). Ainsi les actes d’intercession et les prières peuvent être des actes idolâtriques quand ils n’ont pas le Christ au centre ; idolâtrie d’autant plus grave que l’idole serait l’idolâtre.
Au lieu de la recherche de la gloire Jésus prescrit un leadership serviteur dans lequel l’on s’humilie volontairement dans le service du prochain.
Luc 18:9-14 :
Il dit encore cette parabole, en vue de certaines personnes se persuadant qu'elles étaient justes, et ne faisant aucun cas des autres: Deux hommes montèrent au temple pour prier; l'un était pharisien, et l'autre publicain. Le pharisien, debout, priait ainsi en lui-même: O Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont ravisseurs, injustes, adultères, ou même comme ce publicain; je jeûne deux fois par semaine, je donne la dîme de tous mes revenus. Le publicain, se tenant à distance, n'osait même pas lever les yeux au ciel; mais il se frappait la poitrine, en disant: O Dieu, sois apaisé envers moi, qui suis un pécheur. Je vous le dis, celui -ci descendit dans sa maison justifié, plutôt que l'autre. Car quiconque s'élève sera abaissé, et celui qui s'abaisse sera élevé.
Dans ce texte où Jésus met en scène un Pharisien et un péager, il dit la parabole pour censurer l’illusion de l’autojustification ; l’orgueil spirituel et l’orgueil tout court ; le mépris et la condamnation des autres personnes.
Quelle est la valeur de la prière et de l’action de grâces d’un orgueilleux ? Le pharisien religieux et ritualiste par excellence est attaché aux pratiques religieuses : il fréquente le temple, prie, donne les aumônes, etc. Mais il est clair que toutes ces choses importantes sont rejetées par Dieu quand elles ne sont pas centrées en Lui et ne s’accompagnent pas de l’obéissance (1Sam 15 :22 ; Prov 28 :9 ; Es.1 :11-20 ; Amos 5 :23-24). Beaucoup d’agitation religieuse ayant l’homme au centre est une caractéristique de l’Eglise que Dieu désavoue à la fin des temps (2Tim.3 :4-5, Apoc.13).
Le chrétien devrait faire attention à ce que nous appelons dans ce texte la « contrintercession. » Le fait de prononcer notre prière au sujet d’autres personnes sans que cela soit pour leur bien ; l’exact contraire de l’intercession qui consiste à formuler une prière de bien pour les autres. Outre le fait que cela est le rôle privilégié de Satan (Zac.3:1-2 ; Apoc 12:10), il faut y reconnaître un mélange d’égoïsme et de méchanceté dans lequel on espère se voir grandi par le simple fait que l’autre personne est amoindrie.
Principes à retenir sur l’humilité dans l’intercession
A l’issue de cette revue de quelques textes appelant à l’humilité en général et à l’effacement dans l’intercession en particulier, nous pouvons relever les principes suivants à l’effet d’y mettre un accent.
-       L’on ne peut impressionner Dieu : «Car c'est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c'est le don de Dieu. 9 Ce n'est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie. » (Eph.2:8-9) Dieu n’est nullement impressionné par les performances humaines. Dans la mesure où c’est par la foi que nous sommes sauvés, ce n’est pas en brandissant nos exploits et performances spirituels que nous acquérons ou améliorerons notre salut.
-       Il n’y a pas réellement lieu de se glorifier : Du moment où le bien que Dieu fait aux hommes relève de sa grâce souveraine, nous ne devons nullement en porter la gloire. De plus, dans le domaine de l’intercession, le bien-être que les bénéficiaires reçoivent souvent est le fruit d’une action concertée. Souvent plusieurs personnes, même les plus éloignées et cachées ont travaillé (en prière et en actes) pour qu’un problème soit résolu, la reconnaissance pour ce bienfait ne peut donc revenir à une seule personne. Tout ceci invite le croyant à davantage d’humilité.
-       L’humilité est humble : Une personne réellement humble doit l’être au point de ne même pas se rendre compte de son humilité. Trêve donc d’égotisme quand l’on travaille dans les domaines de la foi. La mention de nos exploits—que l’on a souvent tendance à masquer derrière l’exigence du témoignage—court le risque de briser cette loi de base de la spiritualité.
-       L’orgueil précède la chute : «L'arrogance précède la ruine, et l'orgueil précède la chute » (Prov.16 :18, cf.29:23). Jésus a plusieurs fois amplifié ce principe biblique (Mt 5:5 ; 18:4 ; 23:12; Luc 14:11; 18:14 ; etc.). Celui qui par ses actions se placera sous les projecteurs de la gloire humaine sera tout simplement mis sous l’éteignoir par Dieu. A contrario, celui qui s’abaissera et s’effacera dans son action sera élevé en temps convenable (1Pi.5:6).

Conclusion
L’humilité est la première condition pour l’entrée au royaume de Dieu. Elle n’est pourtant pas exigée seulement au moment de la conversion, elle est requise tout le temps de la vie et dans tous les actes de la vie chrétienne. C’est dans ce sens que nous devons agir comme des intercesseurs actifs mais effacés.


[1] Dans un article antérieur nous avions défini l’intercession active comme englobant aussi bien la prière que les actions ; c’est dans cette logique que les textes que nous allons relever se rapportent aussi bien à la prière qu’aux actions religieuses.

jeudi 10 février 2011

QUE PEUT-ON DEMANDER EN PRIERE ?



QUE PEUT-ON DEMANDER EN PRIERE ?
Par Guy Josia Ndombo
Dans cet article nous souhaitons trouver réponse à deux des nombreuses questions qui se soulèvent fréquemment au sujet des requêtes à faire à Dieu. La première est de savoir si nous pouvons demander le mal pour le prochain, qu’il soit notre oppresseur ou qu’il soit tout simplement un méchant. La deuxième question est de savoir si nous pouvons faire une requête visant à satisfaire une mauvaise ambition. Les hommes et femmes de prière se retrouvent souvent en face de ces questions qui touchent les aspects parfois existentiels de la vie humaine.
Peut-on prier pour la malédiction du méchant ?
Une situation assez bizarre s’était produite dans une église de la place. Une lettre anonyme comportant des accusations assez graves et des propos injurieux avait été envoyée à un pasteur. Furieux, celui-ci présenta la lettre à la congrégation réunie et somma l’auteur de la lettre de se présenter. Après un moment de silence et sans réaction aucune, le pasteur demanda à la congrégation de s’agenouiller pour qu’il dise une prière de malédiction à l’encontre de l’auteur anonyme de la lettre. Cette initiative indigna et choqua plus d’une personne mais n’empêcha pas la majeure partie de l’église à s’unir au pasteur pour la prière de… malédiction ! Si vous y étiez qu’auriez-vous fait ?
Ce type de situation pose le problème de ce que l’on souhaite pour nos ennemis[1] et montre comment certaines personnes, souvent, le transposent dans la prière. La requête souhaitant le plus ou le moins de mal possible au méchant et à notre oppresseur est-elle recommandable ? S’il faut savoir si une telle prière est raisonnable, on peut très bien comprendre le processus logique qui aboutit à une telle requête : outre le désir de vengeance, même le désir de justice peut provoquer de telles requêtes. Mais en matière d’éthique, il n’est pas seulement question de ce qui est raisonnable mais aussi de ce qui est requis par Dieu. Mettons donc en lumière quelques principes devant régir la conduite à tenir dans des situations comme celles que nous avons relevées plus haut.
L’enseignement linéaire[2] de la Bible milite pour que de telles prières ne soient jamais formulées. Dans son enseignement le Christ a clairement dit* : « bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous maltraitent » (Lc 6:28)[3]. Le parallélisme dans cette phrase est très important à retenir et doit être mis en exergue :
bénissez
ceux qui vous
maudissent
priez pour
maltraitent
On remarque dans ce parallélisme que ceux qui maudissent sont synonymes de ceux qui  maltraitent. En d’autres termes il s’agit des oppresseurs usant aussi bien de leurs paroles que de leurs actions pour persécuter. L’appel à prier pour de telles personnes est par ailleurs mis en équivalence avec l’appel à bénir. Comme pour dire que non seulement il faudrait prier pour de telles personnes, mais il faudrait les bénir dans une telle prière. Ne pas agir de la sorte dans le contexte du sermon sur la montagne participe d’agir selon la loi du talion : « œil pour œil, dent pour dent.»
Dans le cadre de la prière Jésus a aussi affirmé dans le même sens : «lorsque vous êtes debout faisant votre prière, si vous avez quelque chose contre quelqu'un, pardonnez.» (Mc.11:25).
Dans la pratique, une requête, du genre que nous devons éviter de faire fut faite par Jean et son frère qui étaient  remontés contre les samaritains inhospitaliers : « Seigneur, veux-tu que nous commandions que le feu descende du ciel et les consume ? » (Lc.9 :54). La réponse de Jésus en dit long sur la nature de ce type de requêtes et sur l’état spirituel de ceux qui les font : « Vous ne savez que quel esprit vous êtes animés » (v.55).
Paul dans ses écrits prolonge l’écho de l’enseignement[4] du Christ sur la question de l’attitude à avoir et de la conduite à tenir face aux méchants et aux oppresseurs : « Bénissez ceux qui vous persécutent, bénissez et ne maudissez pas. » (Rom.12 :14). Rendant compte de leur expérience d’apôtres il écrit :
Quand on nous insulte, nous bénissons; quand on nous persécute, nous supportons; quand on dit du mal de nous, nous répondons avec bienveillance. On nous considère maintenant encore comme les balayures du monde, comme le déchet de l'humanité (1Cor.4:12-13, Bible en Français Courant).
L’enseignement de Paul nous offre par ailleurs une perspective importante. Dans la suite logique de l’appel à ne jamais maudire mais à bénir uniquement, il recommande : «Ne rendez à personne le mal pour le mal » (Rom.12:17). Mais le plus intéressant dans ce développement de Paul est qu’il répond à la question de justice qui se pose quand l’oppresseur maltraite les fidèles de Dieu. Il se réfère à l’enseignement de l’AT et fait savoir que Dieu est le vengeur de son peuple:
Ne vous vengez point vous-mêmes, bien-aimés, mais laissez agir la colère; car il est écrit: À moi la vengeance, c’est moi qui rétribuerai, dit le Seigneur. Mais si ton ennemi a faim, donne-lui à manger; s'il a soif, donne-lui à boire; car en agissant ainsi, ce sont des charbons ardents que tu amasseras sur sa tête. Ne sois pas vaincu par le mal, mais vainqueur du mal par le bien (Rom.12:19-21)[5].
En nous abstenant de faire une requête visant à maudire notre oppresseur, nous agissons selon la règle d’amour du Christ mais nous sommes aussi assurés que la justice de Dieu qui implique toujours la vengeance de son peuple aura bien lieu. Puisse notre vie de prière être à l’image de celle du Christ qui même à l’article de la mort priait : « Pardonne-leur » (Lc.23:34).

Peut-on prier pour la satisfaction 
 d’une mauvaise ambition ?
Une femme dans la cinquantaine nous fit un jour une requête assez complexe. Elle était divorcée et possédait beaucoup de biens. Elle était préoccupée par le fait que sa fille n’avait pas encore enfanté et souhaitait voir un petit-fils assez rapidement pour lui léguer ses richesses. Elle nous demanda donc avec insistance de prier pour que sa fille tombe enceinte et ait un fils dans un délai assez bref. Nous lui demandâmes si sa fille était mariée, ce à quoi elle répondit par la négative et affirma qu’elle souhaitait que sa fille ne se mariât jamais, au motif qu’un éventuel conjoint ne serait intéressé que par la richesse.
La requête de cette dame posait un certain nombre de problèmes parmi lesquels l’attachement à la richesse. La grande question que nous nous posions était de savoir comment cette femme souhaitait que sa fille soit enceinte sans qu’elle ne soit mariée. Elle encourageait vraisemblablement sa fille à vivre dans l’immoralité. La grande question après toutes les autres était de savoir ce que nous allions faire : allions-nous prier pour cette requête ? Ce cas illustre de nombreux autres où les individus ont besoin du secours de Dieu pour satisfaire leurs désirs égoïstes. Quelques éclairages de la Bible sont nécessaires pour comprendre la conduite à tenir en pareille circonstance.
Le texte de Jacques est instructif à ce propos : « Vous demandez et vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal, afin de tout dépenser pour vos passions » (Jc.4:3). Il faudrait d’abord souligner que dans ce contexte où l’apôtre Jacques dénonce les conflits, l’orgueil, les convoitises, adultères,  etc, il encourage ses lecteurs à se départir de l’entrainement des passions mondaines. Par l’expression « vous demandez mal, afin de tout dépenser pour vos passions » nous apprenons donc qu’il existe une incompatibilité entre la bonne prière et les mauvaises passions. Avoir des ambitions n’est pas mauvais en soi lorsqu’il s’agit du noble désir de progresser. Ce désir doit cependant être contrôlé par les principes de modestie (Rom.12:16) de bien et de justice (Jc.4:1-8).
La Bible regorge de nombreux exemples des personnes qui ont été réprimées pour leur ambition immodérée ou déplacée. Le cas de Jean et Jacques et leur mère dans les évangiles retient notre attention en ce qu’il illustre le désir de gloire et de puissance qui se cache derrière toute mauvaise ambition. Salomé vint se prosterner devant Jésus et lui dit : « ordonne que mes deux fils que voici soient assis, dans ton royaume, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche » (Mt.20:21). La réponse de Jésus fut immédiate et sans ambages : « Vous ne savez pas ce que vous demandez » (v.22). Cette réponse signifiait la volonté de Jésus de réprimer leur désir de gloire et de leur montrer qu’ils ne comprenaient même pas la nature de ce qu’ils étaient en train de demander.
S’il est clair que nos prières doivent manifester notre inclination à nous laisser « attirer par ce qui est humble », elles doivent aussi montrer notre attachement à obéir premièrement à la volonté de Dieu telle que manifestée dans ses lois. C’est dans ce sens que le sage écrit fort à propos : « Si quelqu'un détourne l'oreille pour ne pas écouter la loi, sa prière même est une abomination » (Prov.28:9). Il est tout simplement illogique  de prier pour des choses contraires à la volonté de Dieu, ce qui s’apparente à essayer de l’impliquer dans la réalisation de l’injustice et de l’immoralité.




[1] La notion d’ «ennemi » peut être assez générale. Parfois il s’agit juste de quelqu’un avec qui on n’a pas d’atomes crochus ; un individu qui aurait placé un mauvais regard ou une mauvaise parole. Cela peut aussi être quelqu’un qui nous a frustré d’un droit, etc.  Mettez-vous aussi dans la peau de quelqu’un qui a vu une personne bien-aimée massacrée par un tueur en série ; imaginez-vous être une femme dont les malfrats qui font irruption dans le domicile et tuent le père de famille après avoir violé à tout de rôle vos filles et vous-mêmes ; pour sûr ces gens ne sont pas vos «amis.»
[2] Certains déduisent facilement de certains textes de l’AT (cf. Ps.17:13 ; 143:12) que l’on peut demander la malédiction du méchant et requérir la destruction de l’oppresseur. Il faudrait souligner ici que la plupart de ces textes doivent être étudiés dans leur contexte pour les comprendre. Une règle d’interprétation des Ecritures exige par ailleurs une prudence quant on veut formuler à partir des Psaumes.
* Sauf indication contraire, les textes bibliques sont tirés de la Bible Nouvelle Version Segond Révisée, Bible à la colombe. n.p. Société biblique française, 1978.
[3] Une version plus longue de cette recommandation de Jésus se trouve en Matthieu 5:44 : « Aimez vos ennemis, [bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent], et priez pour ceux [qui vous maltraitent et] qui vous persécutent » ; les expressions entre crochets étant probablement une harmonisation provenant du texte de Luc. La version courte du texte de Matthieu, se trouvant chez les témoins Sinaiticus et Vaticanus, est certainement plus fiable dans la mesure où il est plus logique de penser que le texte ait été allongé pour lui donner de l’emphase que de penser qu’il ait été raccourci.
[4] Pierre a aussi un tel enseignement (1Pierre 3:9); de même que l’on peut mentionner l’idée contenue dans Jacques 3:10-12 selon laquelle la malédiction ne devrait tout simplement pas sortir de la bouche du chrétien.
[5] Les textes en italiques sont respectivement les citations de Deut. 32:35 et Prov.25:21-22.