mercredi 16 mars 2011

L'effacement dans l'intercession

La célébrité est l’une des choses auxquelles de nombreuses personnes aspirent. Les personnes vivant uniquement pour la gloire et la recherche de la notoriété sont bien visibles dans le monde séculaire, notamment à travers de nombreux medias « people. » La chose étrange est que même dans les milieux religieux, l’on retrouve—et ces derniers temps de plus en plus—des personnes qui affichent leurs performances spirituelles ou religieuses comme des trophées. Il n’est plus rare de trouver—à la télévision aussi et de plus en plus—des sortes de gurus spirituels qui de par leur côté célèbre se présentent comme des personnes incontournables. A ce niveau élevé comme à une autre échelle plus basse du simple prieur qui publie ses exploits, l’on doit reconnaître qu’il s’agit d’une violation d’une règle de base dans la vie religieuse : l’effacement.
L’appel à l’effacement dans l’intercession
Jésus a fréquemment censuré les Juifs qui promouvaient un certain nombre d’actions à l’effet de chercher l’honneur des hommes. Nous allons brièvement mettre en lumière certains de ces textes qui en appellent  à l’humilité dans nos actions d’intercession[1].
Matthieu 6:5 : « Lorsque vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites, qui aiment à prier debout dans les synagogues et aux coins des rues, pour être vus des hommes. Je vous le dis en vérité, ils ont leur récompense. »
Dans ce texte Jésus censure clairement l’attitude ostentatoire dans les prières aussi bien dans les lieux sacrés que dans la rue. Ces prières sont empreintes d’hypocrisie parce qu’en réalité elles cachent un état hideux du cœur. Et cette hypocrisie est tellement subtile qu’elle est difficilement détectable puisqu’elle repose sur l’action religieuse. A l’opposé, Jésus recommande l’endroit réservé, privé et secret : «Mais quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est là dans le lieu secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra » (Mt.6:6).
Il faut observer les conclusions que Jésus fait des deux démarches : Ceux qui prient publiquement pour être vus ont déjà leur récompense alors que ceux qui prient en secret sont récompensés par Dieu. Le contraste des deux démarches suggère que les prieurs publics auront effectivement le respect des hommes mais ne seront pas honorés par le Père céleste tandis que les prieurs en secret, bien que les hommes ne soient pas informés de leur action, seront honorés par Dieu.
Matthieu 23 :5-10 :
Ils font toutes leurs actions pour être vus des hommes. Ainsi, ils portent de larges phylactères, et ils ont de longues franges à leurs vêtements;  ils aiment la première place dans les festins, et les premiers sièges dans les synagogues;  ils aiment à être salués dans les places publiques, et à être appelés par les hommes Rabbi, Rabbi.  Mais vous, ne vous faites pas appeler Rabbi; car un seul est votre Maître, et vous êtes tous frères.  Et n'appelez personne sur la terre votre père; car un seul est votre Père, celui qui est dans les cieux. Ne vous faites pas appeler directeurs; car un seul est votre Directeur, le Christ.
Dans cet autre texte, Jésus censure également l’activisme pour être remarqué et la recherche de la gloire et l’honneur humains. Ceci est une interpellation forte pour les personnes qui agitent leurs œuvres comme signe de leur puissance. De même que c’est un rejet de la recherche de la notoriété par des titres honorifiques. Jésus condamne la pratique de nombreuses personnes travaillant dans les domaines de la foi qui aiment à se faire appeler par des titres : « révérend » ; « pasto » ; « apôtre » ; « prophète » ; et autres titres pompeux. En disant « vous êtes tous frères » Jésus rejette clairement tout élitisme spirituel qui consiste à placer les leaders spirituels sur un piédestal et les érigeant en gurus indispensables. Il met également en exergue le fait que de telles attitudes font concurrence à la gloire du Christ qui seul mérite la louange (cf.Phil.2:9-11 ; Apoc.5:9-14). Ainsi les actes d’intercession et les prières peuvent être des actes idolâtriques quand ils n’ont pas le Christ au centre ; idolâtrie d’autant plus grave que l’idole serait l’idolâtre.
Au lieu de la recherche de la gloire Jésus prescrit un leadership serviteur dans lequel l’on s’humilie volontairement dans le service du prochain.
Luc 18:9-14 :
Il dit encore cette parabole, en vue de certaines personnes se persuadant qu'elles étaient justes, et ne faisant aucun cas des autres: Deux hommes montèrent au temple pour prier; l'un était pharisien, et l'autre publicain. Le pharisien, debout, priait ainsi en lui-même: O Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont ravisseurs, injustes, adultères, ou même comme ce publicain; je jeûne deux fois par semaine, je donne la dîme de tous mes revenus. Le publicain, se tenant à distance, n'osait même pas lever les yeux au ciel; mais il se frappait la poitrine, en disant: O Dieu, sois apaisé envers moi, qui suis un pécheur. Je vous le dis, celui -ci descendit dans sa maison justifié, plutôt que l'autre. Car quiconque s'élève sera abaissé, et celui qui s'abaisse sera élevé.
Dans ce texte où Jésus met en scène un Pharisien et un péager, il dit la parabole pour censurer l’illusion de l’autojustification ; l’orgueil spirituel et l’orgueil tout court ; le mépris et la condamnation des autres personnes.
Quelle est la valeur de la prière et de l’action de grâces d’un orgueilleux ? Le pharisien religieux et ritualiste par excellence est attaché aux pratiques religieuses : il fréquente le temple, prie, donne les aumônes, etc. Mais il est clair que toutes ces choses importantes sont rejetées par Dieu quand elles ne sont pas centrées en Lui et ne s’accompagnent pas de l’obéissance (1Sam 15 :22 ; Prov 28 :9 ; Es.1 :11-20 ; Amos 5 :23-24). Beaucoup d’agitation religieuse ayant l’homme au centre est une caractéristique de l’Eglise que Dieu désavoue à la fin des temps (2Tim.3 :4-5, Apoc.13).
Le chrétien devrait faire attention à ce que nous appelons dans ce texte la « contrintercession. » Le fait de prononcer notre prière au sujet d’autres personnes sans que cela soit pour leur bien ; l’exact contraire de l’intercession qui consiste à formuler une prière de bien pour les autres. Outre le fait que cela est le rôle privilégié de Satan (Zac.3:1-2 ; Apoc 12:10), il faut y reconnaître un mélange d’égoïsme et de méchanceté dans lequel on espère se voir grandi par le simple fait que l’autre personne est amoindrie.
Principes à retenir sur l’humilité dans l’intercession
A l’issue de cette revue de quelques textes appelant à l’humilité en général et à l’effacement dans l’intercession en particulier, nous pouvons relever les principes suivants à l’effet d’y mettre un accent.
-       L’on ne peut impressionner Dieu : «Car c'est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c'est le don de Dieu. 9 Ce n'est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie. » (Eph.2:8-9) Dieu n’est nullement impressionné par les performances humaines. Dans la mesure où c’est par la foi que nous sommes sauvés, ce n’est pas en brandissant nos exploits et performances spirituels que nous acquérons ou améliorerons notre salut.
-       Il n’y a pas réellement lieu de se glorifier : Du moment où le bien que Dieu fait aux hommes relève de sa grâce souveraine, nous ne devons nullement en porter la gloire. De plus, dans le domaine de l’intercession, le bien-être que les bénéficiaires reçoivent souvent est le fruit d’une action concertée. Souvent plusieurs personnes, même les plus éloignées et cachées ont travaillé (en prière et en actes) pour qu’un problème soit résolu, la reconnaissance pour ce bienfait ne peut donc revenir à une seule personne. Tout ceci invite le croyant à davantage d’humilité.
-       L’humilité est humble : Une personne réellement humble doit l’être au point de ne même pas se rendre compte de son humilité. Trêve donc d’égotisme quand l’on travaille dans les domaines de la foi. La mention de nos exploits—que l’on a souvent tendance à masquer derrière l’exigence du témoignage—court le risque de briser cette loi de base de la spiritualité.
-       L’orgueil précède la chute : «L'arrogance précède la ruine, et l'orgueil précède la chute » (Prov.16 :18, cf.29:23). Jésus a plusieurs fois amplifié ce principe biblique (Mt 5:5 ; 18:4 ; 23:12; Luc 14:11; 18:14 ; etc.). Celui qui par ses actions se placera sous les projecteurs de la gloire humaine sera tout simplement mis sous l’éteignoir par Dieu. A contrario, celui qui s’abaissera et s’effacera dans son action sera élevé en temps convenable (1Pi.5:6).

Conclusion
L’humilité est la première condition pour l’entrée au royaume de Dieu. Elle n’est pourtant pas exigée seulement au moment de la conversion, elle est requise tout le temps de la vie et dans tous les actes de la vie chrétienne. C’est dans ce sens que nous devons agir comme des intercesseurs actifs mais effacés.


[1] Dans un article antérieur nous avions défini l’intercession active comme englobant aussi bien la prière que les actions ; c’est dans cette logique que les textes que nous allons relever se rapportent aussi bien à la prière qu’aux actions religieuses.

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